Justice pour tous

"Quand un homme est privé du droit de vivre la vie dont il croit, il n'a pas d'autres choix que de devenir un hors la loi."

 Rapport du Mois d'Octobre 2020 

 Le changement qui tarde à venir et la continuité de la politique de terre au Burundi

 

 TABLE DES MATIERES. 

  1. SIGLES ET ABREVIATIONS. 
  2. Contexte. 
  3. Sur le plan Judiciaire. 
  4. Espace civique et liberté d’expression. 
  5. La situation des droits de l’homme individuelle. 
  6. Sur le plan sécuritaire.
  7. Conclusion.

 I. SIGLES ET ABREVIATIONS 

CB-CPI: Coalition Burundaise pour la Cour Pénale Internationale

CNDD-FDD  : Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie

CNL: Congrès National de libération

CVR: Commission vérité réconciliation

FAB: Forces armées Burundaises

SNR: Service National des renseignements

  0.    Contexte.

Avec  l’annonce  du retrait  de Pierre Nkurunziza  aux  élections  de mai 2020 pour sa propre succession à un quatrième mandat , les Burundais espéraient un changement  visible dans la conduite des affaires de l’Etat et  spécialement  le retour  d’un état de droit ,  le respect des  droits humains et des valeurs  démocratiques  ainsi que la  lutte contre l’impunité.

Les Burundais  pensaient également  qu’un changement petit soit–il pouvait  faire revenir  le pays  sur les rails de la reprise des relations normales avec la communauté internationale et  permettre  la relance économique et la  coopération bilatérale et multilatérale rompue depuis la crise de 2015  consécutive à la violation de la Constitution de 2005 et de l’historique accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi.

Malheureusement, le nouveau président Evariste Ndayishimiye  a maintenu le Burundi  dans le terrible trajectoire   lancé  et  tracé   par  son  prédécesseur  feu  Pierre Nkurunziza .

Les Violations graves des droits de l’homme, le verrouillage de l’espace politique et des libertés d’expression,  les pratiques d’exclusion et de discrimination, les discours de la haine, l’instrumentalisation de la justice  sont  parmi  l’héritage de feu président Pierre Nkurunziza  que l’actuel président semble vouloir  perpétuer au Burundi.   

Par ailleurs ,  les responsables des violations graves des droits  de l’homme  ont été  placés dans des postes stratégiques  dans ce nouveau gouvernement,  et certains parmi eux continuent de  contrôler de fait  le  système  judiciaire Burundais. 

A travers ce rapport, la Coalition Burundaise pour la Cour Pénale Internationale « CB-CPI »  essaie de faire le contour de la situation politico-sécuritaire qui prévaut au Burundi depuis l’arrivée du nouveau  gouvernement  au pouvoir  le 18 juin 2020.

Notre rapport  fait  le  point sur  la situation actuelle   sur le plan judiciaire,  politique et sécuritaire, ainsi que dans le domaine du respect des droits humains.

 1.    Sur le plan Judiciaire.

 Dans son discours inaugural du 18 juin 2020,  le  Général Ndayishimiye a promis d'opérer une   réforme  dans  le système judiciaire  Burundais et  de veiller à ce que tous  les agents  de l'Etat  ou autres   responsables qui commettent des infractions répondent de leurs actes.

Curieusement, le constat est que son discours  n'était qu'un simple slogan  politique  car deux jours plus tard c’est-à-dire le 22/06/2020, il a nommé le principal suspect des crimes  de sang et crimes économique au Burundi, premier ministre,   donc le chef de son Gouvernement.   

La nomination du Premier ministre Alain Guillaume Bunyoni et du super   ministre  Gervais Ndirakobuca, tous  les deux sous le coup des sanctions américaines et européennes  pour leur rôle présumé  dans la commission des crimes  sous enquête de la Cour  Pénale Internationale   est un signe éloquent  qu’une justice libre, et  indépendante   n'est  pas parmi les priorités du régime Ndayishimiye malgré les déclarations politiques qui deviennent vides de tout sens.

Ces deux personnalités ont toujours été citées dans plusieurs crimes commis au Burundi, ainsi les placer  dans les postes stratégiques revient à mettre une croix sur toute tentative de lutte contre l’impunité des crimes graves en train de se commettre au Burundi depuis l’avènement du CNDD FDD au pouvoir.  

Pour tenter de distraire  les gens en faisant penser à un semblant de changement,  le nouveau régime a  condamné  une dizaine de personnes proches du pouvoir  dont  les officiers  de la police nationale du Burundi et  quelques membres du parti au Pouvoir et de la milice imbonerakure pour extorsion, avec circonstances aggravantes. C’était  à Bururi  au sud du Pays en août dernier.

Bien que cet acte mérite encouragements, il a visé uniquement  les simples exécutants en  laissant  libres les commanditaires ou concepteurs des crimes allégués. 

Le Régime dit « Leta Mvyeyi et Nkozi » (gouvernement responsable)   manipule  la justice et continue  dans la même ligne que celui  de feu Nkurunziza,  au lieu de laisser la justice faire son travail,   il  préfère l’instrumentaliser et l’utiliser dans la terreur  contre les simple citoyens en général, les opposants politiques et défenseurs des droits de l’homme en particulier . 

L'exemple le plus récent est la condamnation  de trois employés d'une station d'essence à trente (30) ans de servitude pénale pour attentat et complot contre le chef de l’Etat » à Kayanza il y a quelques semaines. Ces citoyens ont été victimes à la suite d’un jet de projectiles sur le cortège présidentiel dont ils ignorent complètement les auteurs.  

Chadia Mbaririmana et Augustin Manirishura, deux pompistes de la station-service et Christophe Ndayishimiye, un mécanicien, ont dans un premier temps été inculpés pour "manquement à la sécurité publique et ne pas avoir alerté les services concernés que la sécurité du chef de l'Etat était en danger"

Le  procureur  avait requis  sept (7) ans et demi de prison contre les prévenus  et  les   juges  sont allés  plus loin et  au-delà  de ce qui  leur  a été demandé   pour   faire plaisir au magistrat suprême.

Cette  lourde condamnation  est intervenue  en violation de la procédure et sans  aucune assistance  des avocats aux prévenus. 

Dans les trois mois du régime  Ndayishimiye la justice  est restée comme outil de répression de toute voix discordante. 

Les opposants politiques  réels ou supposés sont régulièrement persécutés, incarcérés injustement ou font objet des assassinats ciblés et des disparitions forcées sans qu’aucune enquête crédible ne soit commanditée encore moins la justice pour les victimes. 

Selon le rapport  du 21/09/2020,  la ligue des droits de l’homme  Iteka[1]  précise que la situation des droits de l’homme sous le règne du Général Ndayishimiye vire au rouge.  Dans ce même rapport  et  uniquement pour les deux mois et trois  semaines depuis le début du régime,  cette organisation de la société civile Burundaise  a documenté plus de 186  personnes tuées, 11 enlevées et portées disparues, 24 victimes des crimes sexuels et sexistes, 33 torturées et 290 arrêtées et détenues arbitrairement            

Les prisons  du Pays sont toujours surpeuplées,  leur capacité d’accueil a été terriblement dépassée,  grave encore   il y a des détenus  qui ont  même   purgé leurs peines   mais  restent  sous les verrous.

Malgré le discours  du président  Ndayishimiye  lors de son investiture, et   celui de  son ministre de la justice qui miroitaient des changements à intervenir,  rien n’a été fait pour redorer  l'image de la justice Burundaise.

Par ailleurs si la volonté  était là, des pistes étaient déjà  tracées par les états généraux de la magistrature tenus en Août 2013 à  Gitega   dont le rapport reste dans les tiroirs du ministre de la justice depuis plus de  sept (7) ans.

 2.   Espace civique  et liberté d’expression.

 L’espace civique  reste verrouillé, seul le parti au pouvoir  et sa milice imbonerakure  garde le monopole   de l’espace politique et de liberté d’expression, les défenseurs des droits de l’homme, les journalistes  indépendants  n’ont toujours pas leur place au Burundi malgré le départ de feu Nkurunziza Pierre.

Quatre journalistes du groupe de presse Iwacu  et deux défenseurs des droits de l’homme croupissent  toujours   injustement en prison.

Le discours de haine est  répandu  à longueur  de la journée depuis  le début de ce régime, un journaliste et membre du parti au pouvoir Keny Claude Nduwimana diffuse  ce poison de la haine ethnique,  qualifie la minorité tutsi  de chiens envahisseurs qu’il faut abattre.

Il faisait partie du groupe de journalistes accrédités auprès de la commission vérité et réconciliation « CVR Media Team » avant   les dénonciations  faites par le groupe de presse Iwacu[2] et la Radiotélévision Renaissance   sur le danger que représente ce militant  et extrémiste hutu du parti CNDD FDD.  

Plus grave encore,  les membres du parti CNDD FDD,  spécialement de la section Belgique et canada ont soutenu financièrement  le projet  de la mise en place d’une radio de haine sous la coordination  du même Kenny Claude Nduwimana , les outils informatiques, équipements et argent ont été collectés et remis  par   deux délégations des militants du CNDD FDD au canada et en Belgique. 

 Cela prouve   que Kenny Claude Nduwimana ne porte pas  seul  ce germe de haine mais  plutôt  qu’il est au service  du CNDD-FDD au pouvoir,  qui d’ailleurs a déjà essayé de mettre en exécution   cette idéologie  génocidaire  alors aux maquis (Bugendana, petit séminaire Buta, etc).

Une campagne appelant les jeunes hutus à ne plus épouser les filles tutsies  fait partie des propos diffusés par ce journaliste du CNDD FDD, qui qualifie les filles tutsies d’espionnes et poisons.

Dans cette même campagne, le fils de l’ancien président Domitien Ndayizeye(Hutu) a été menacé, à travers les réseaux sociaux animés par certains extrémistes, de mort lors de l’officialisation des fiançailles avec une fille tutsi  en Aout 2020.

En vue des cérémonies de mariage, l’ancien président avait alors sollicité un renforcement de la sécurité dans les lieux  où se déroulaient les cérémonies.    

La déshumanisation de la minorité tutsie, et d’autres formes ou étapes vers un génocide se dessine petit à petit  comme cela été le cas au Rwanda en 1994.

3.   La situation des droits de l’homme individuelle. 

Le respect  des droits de l’homme n’a pas eu sa place  depuis   l’arrivée du Général Ndayishimiye au Pouvoir, par contre les violations ont pris une allure inquiétante.

Selon le rapport conjoint de la société civile Burundaise au terme des  100 jours de son  régime, 278 personnes ont été assassinées,  22 personnes ont été enlevées et portées disparues, 36 personnes ont été torturées, 30 personnes ont été victimes de VSBG et  302 personnes ont été victimes d’arrestations et détentions arbitraires[3].

 Les victimes de ces violations sont essentiellement constituées de membres du parti CNL, d’anciens militaires tutsi et  ex-FAB et de jeunes gens de la composante sociale tutsi. En revanche, des Imbonerakure affiliés au parti CNDD-FDD, des policiers, des agents du SNR et des administratifs sont pointés du doigt comme étant des présumés auteurs de la plupart de ces violations des droits humains relevées.

Ces organisations  ont exprimé leurs regrets  quant aux violations graves  qui se commettent en toute impunité et compliquées par les attaques des mouvements rebelles depuis le mois d’août que le régime utilise comme prétexte afin de se débarrasser de son opposition réelle ou supposée.

 4.   Sur le plan sécuritaire. 

Depuis  bientôt  un mois,  des attaques  armées sont signalées dans plusieurs provinces du Burundi, le mouvement Résistance pour état de Droit  « Red-Tabara »  a revendiqué les attaques  en menaçant de continuer la lutte jusqu’à faire tomber  le régime du CNDD-FDD au pouvoir depuis quinze(15) ans.

Du côté Gouvernement du Burundi, aucune information ne filtre, mais intensifie les arrestations des membres de l’opposition politique,  les plus ciblés sont  les membres du CNL d’Agathon Rwasa, le candidat malheureux  aux présidentielles de 2020.

Les personnes  arrêtées  par les agents du service de renseignement, de la police sont détenues dans des lieux     tenus  secrets,   subissent des interrogatoires musclés,  torturées  et n’ont droit d’être assistées par       des avocats ou recevoir  des soins encore moins voir les médecins.

Les services humanitaires  comme la croix rouge et autres  ne peuvent pas accéder aux lieux d’affrontement pour secourir les blessés et autres victimes de ces  hostilités, les combattants  capturés vivants seraient  exécutés après leurs interrogatoires et cela dans le silence total des autorités politiques et militaires.

Les responsables de la milice Imbonerakure sont aussi ciblés et exécutés par les combattants  du RED- Tabara.

Bien que le gouvernement  ne communique pas  sur  ces affrontements,   Une mobilisation des anciens combattants du CNDD- FDD s’observe  dans plusieurs  coins du pays,  et par les autorités politique et administrative.

Le 31 Aout 2020 lors de la célébration par le parti CNDD FDD de la journée qu’il  a dédiée à sa milice « IMBONERAKURE DAY » l’actuel ministre  de la jeunesse et des sports et anciens chefs de la milice Imbonerakure a rappelé aux miliciens qu’ils ont une mission spéciale de sécuriser le pays et de rester en alerte maximale.

En province Rumonge,  cette jeunesse   monte  des rondes nocturnes avec les éléments de  défense et de sécurité,  selon les informations obtenues,  une distribution d’armes de  guerre est effectuée  au camp militaire de Rukinga au bénéfice de ces jeunes miliciens.

5.  Conclusion.

 Les trois mois de règne du General  Ndayishimiye  n’a rien apporté de rassurant dans  presque tous les domaines de la vie du pays.  Les violations des droits de l’homme, la culture de l’impunité, l’intolérance  politique, le maintien de tout un peuple dans la terreur et soumission   caractérisent le nouveau régime.

Les relations de coopération avec la communauté internationale handicapées par un comportement de chantage à l’endroit des partenaires classiques du Burundi.

 

[1] www.ligue-iteka.bi : Rapport du 21 septembre 2020

[2] https://www.iwacu-burundi.org/urgent-keny-claude-nduwimana-ejecte-de-la-cvr-media-team/

[3] Rapport conjoint des organisations de la société civile  au terme de 100 jours  du régime Ndayishimiye, rendu public le 28 septembre 2020.

     

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Mission de la CB-CPI:

Réunir au niveau nationale et internationale la  documentation des crimes qui relève de la compétence de la Cour Pénale internationale et  les dénoncer auprès de celle-ci,

 

Collaborer avec le Bureau du Procureur de la Cour Pénale  Internationale dans le but de la collecte des informations pertinentes sur la commission de  ces crimes.

 

Assister juridiquement, judiciairement, psychologiquement et socialement les victimes des crimes qui relèvent de la Cour Pénale Internationale, promouvoir la connaissance et la compréhension des missions de la CPI , de ses activités de ses défis au niveau national et international.