Ensemble pour une justice
Pénale efficace indépendante.
Rapport mensuel no 1 de la Coalition Burundaise pour la Cour Pénale
Internationale sur les crimes de droit international au Burundi, Janvier 2017
Table des matières
Cigles et abréviations
- Introduction.
- Crimes contre l’humanité et éléments constitutifs
- Meurtre
- Tueries généralisées des populations civiles
- Attaques généralisées et systématiques
- Emprisonnement et autres formes de privation de liberté physique
- Arrestations arbitraires, disparitions forcées et tortures
- Meurtre
- Crimes de génocide et éléments constitutifs
- Génocide par meurtre
- Tueries sélectives des militaires tutsis
- Génocide par meurtre
2.2.2. Le caractère intentionnel des tueries
- Génocide par atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale et éléments constitutifs
- Des actes qui portent gravement atteinte à l’intégrité physique ou mentale
- Le caractère intentionnel des actes de torture
- Harcèlement aux allures génocidaires contre les déplacés internes
- Les facteurs favorisants les violations
- Impunité et promotion des auteurs des violations .
- Poursuite de l’armement et de l’entrainement para-militaire des miliciens Imbonerakure
- Echec des négociations et risque d’une guerre civile .
- Le refus du pouvoir de s’asseoir avec les vrais opposants .
- Le parti pris du facilitateur pour le pouvoir .
- Conserver le pouvoir par la terreur
- Conclusion et recommandations .
Cigles et abréviations
- Aprodh : Association pour la Protection et la défense des droits de l’homme et des prisonniers
- CB-CPI : Coalition Burundaise pour la Cour Pénale Internationale
- Cndd-Fdd : Conseil National pour la Défense de la Démocratie, Forces de défense pour le Démocratie
- Cnared : Conseil National pour la Restauration de l’Etat de Droit
- Eac : East Africain Community
- Ex-Fab : Ex- Forces Armées Burundaises
- Ex-Pmpa : Ex-Partis et Mouvements Politiques Armés
- Fdn : Forces de Défense Nationale
- Forebu : Forces Républicaines du Burundi
- Iscam : Institut Supérieur des Cadres Militaires
- Pnb : Police Nationale Burundaise
- Red-Tabara : Resistance pour l’Etat de droit- Tabara
- SNR : Service National des Renseignements
Introduction
La situation des droits de l’homme a continué à s’empirer malgré l’apparent apaisement. Ce rapport répertorie les actes de violation graves des droits de l’homme et du droit international au cours du mois de janvier 2017. Les atrocités commises défient l’imagination et heurtent profondément la conscience humaine : des corps sont mutilés, décapités ; des têtes sont coupées et sont exposées ! Dans ce rapport, une attention particulière est réservée aux actes de violence commis contre les Ex-Fab issus de la catégorie sociale tutsie. Ces actes s’inscrivent manifestement dans une logique génocidaire. Le rapport revient aussi sur les arrestations arbitraires, les enlèvements, les disparitions forcées, les actes de tortures, les meurtres qui répondent à une dynamique de persécution contre les populations civiles sans distinction d’ethnie, opposées au troisième mandat illégal de Pierre NKURUNZIZA ou considérés comme opposants par le pouvoir. La nature incontestablement systématique, organisée et préméditée de ces actes laisse établir que ces actes de violence constituent à la fois les crimes contre l’humanité et le crime de génocide selon la définition des articles 6 et 7 du statut de Rome de la Cour Pénale Internationale.
1. Crimes contre l’humanité et éléments constitutifs
L’on entend par crime contre l’humanité, des actes tels que le meurtre, l’extermination, le viol et d’autres actes inhumains et dégradants causant internationalement de grandes souffrances et commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque.[1] Ces crimes se sont concrétisés à travers le meurtre des Ex-Fab et l’emprisonnement systématiques des opposants au troisième mandat de Pierre
NKURUNZIZA.
1.1. Meurtre
1.1.1. Tueries généralisées des populations civiles
Au cours de la période du rapport, le phénomène de cadavres jetés réapparait petit à petit et presque dans toutes les localités du pays. Au moins 22 cas ont été répertoriés. Ces corps sans vie sont enterrés dans la précipitation par l’administration sans que leurs identités soient révélées ce qui laisse penser à une complicité de l’administration dans les tueries. Le plus souvent, les victimes sont des gens arrêtés ou enlevés par les éléments du SNR ou de la police ou encore portés disparus. Il y en a parmi eux, ceux qui ne sont plus revus et qui selon nos sources, sont enterrés dans les fosses communes qui existeraient en nombre dans le pays et dont l’accès est difficile puisque gardées par les Imbonerakure[2] et les policiers.
Les victimes sont des civils qui ont pris part dans les manifestations et des membres de partis politiques de l’opposition. Les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes ne sont pas épargnés.
Dans cette même campagne d’extermination des opposants au régime actuel de Bujumbura, au moins 26 personnes ont été tuées. Si ces tueries s’observent dans tout le pays, les provinces comme Bujumbura, qui ont pris le devant dans les manifestations contre le 3e mandat sont les plus affectées.
1.1.2. Attaques généralisées et systématiques
Dans cette dynamique de répression caractérisée, toute personne opposée au 3e mandat ou de l’opposition est prise pour cible. Les tueries sont légion et généralisées. Aucune province n’en est épargnée. Mais, comme précédemment mentionné les plus ciblées sont les provinces ayant enregistré un grand nombre de manifestants dont Bujumbura-mairie.
1.2. Emprisonnement et autres formes de privation de liberté physique
Au cours de la période concernée, l’arrestation et l’emprisonnement des opposants politiques a continué. Ces emprisonnements sont illégaux. En plus, les personnes emprisonnées sont privées de leur droit et liberté notamment celui de se faire soigner. Nos sources révèlent que les autorités pénitentiaires ne permettent pas souvent aux détenus malades d’aller se faire soigner dans des hôpitaux en dehors de la prison. Plusieurs détenus ont été et restent victimes de cette violation de règles fondamentales du droit international en matière de traitement des personnes détenues.
L’auteur de cette violation, c’est-à- dire l’autorité pénitentiaire est conscient de la gravité de son comportement qui est somme toute, généralisé dans toutes les prisons du Burundi et qui par ailleurs, s’inscrit dans une logique de persécution contre les opposants au régime de Bujumbura.
1.3. Arrestations arbitraires, disparitions forcées et tortures
Au cours de la période du rapport, la persécution a continué avec une allure préoccupante dans un contexte de répression croissante. Cette persécution prend la forme d’arrestation arbitraire, de torture, d’enlèvement et de disparitions forcées. Ainsi, ont été dénombré 322 cas d’arrestations arbitraires, 9 cas de disparitions forcées et 20 cas d’actes de tortures.[3] Au moins 7 personnes récemment libérées suite à la grâce présidentielle de fin d’année ont été portées disparues.[4] Les victimes sont les populations civiles comprenant les membres de l’opposition, les jeunes et toute personne opposée au Cndd-Fdd ou considérée comme tel.
Tous ces actes de violence sont commis dans l’impunité totale. Les auteurs notamment les éléments du SNR, de la Police et de l’Armée épaulés par les Imbonerakure et l’administration ne s’inquiètent de rien. Plutôt que rendre la justice, le pouvoir judicaire burundais est devenu un instrument de répression à la solde du pouvoir. L’exemple le plus parlant est le procès expéditif des militaires Ex-Fab au lendemain de l’« attaque »[5] du Camp Mukoni à Muyinga.
En violation flagrante de tous les principes internationaux d’un procès équitable, le parquet a interrogé des personnes manifestement en souffrances aigües suite aux actes de torture leur infligés par les tortionnaires dont le responsable du SNR en Province de MUYINGA, Monsieur Gérard NDAYISENGA. En plus, ils ont été privés de leur droit de se faire assister par des avocats.
En optant pour l’impunité des auteurs des violations graves des droits de l’homme, l’Etat encourage la commission des crimes qui, par ailleurs s’inscrivent dans une logique de mise en œuvre de sa politique de persécution et de répression des opposants et des défenseurs des droits de l’homme. La quasi-totalité de ces actes de violence contre les populations civiles sont généralisés et la CB-CPI estime que ces actes constituent des crimes contre l’humanité qui relèvent de la compétence de la Cour Pénale Internationale et implore cette seule et unique juridiction pénale internationale à commencer les enquêtes sur les crimes commis au Burundi.
2. Crimes de génocide et éléments constitutifs
L’article 6 du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale définit le génocide comme l’un des quelconques actes commis dans l’intention de détruire, en partie ou en totalité, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel:[6]
- Meurtre de membre du groupe
- Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale des membres du groupe
- Soumission intentionnelle du groupe à des conditions pouvant entrainer sa destruction physique totale ou partielle
- Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe
- Transfert forcés d’enfant du groupe à un autre
Pour le cas du Burundi et dans le cadre de ce rapport, la CB-CPI a constaté que le génocide est consommé à travers des actes qui représentent de graves violations du droit à la vie (meurtre) et à l’intégrité physique ou mentale des membres de l’ethnie tutsie au sein de l’armée burundaise. Si l’on n’assiste pas encore au génocide de masse à la rwandaise, l’on est en présence d’un génocide lent, silencieux et moins visible. Nous rappelons que des actes de génocide ont été également perpétrés à l’encontre des centaines de jeunes issus de l’éthnie tutsi qui ont été massacrés lors de l’attaque des camps militaires de Bujumbura-Mairie et Bujumbura-Rural en décembre 2015.
2.1. Génocide par meurtre
2.1.1. Tueries sélectives des militaires tutsis
Depuis le début de la crise qui sévit au Burundi en avril 2015, plusieurs militaires Ex-Fab issus de l’ethnie tutsie ont été tués. Les circonstances de leur mort varient. Ils sont soit tués par balle par des agents du SNR déguisés, soit enlevés et portés disparus pour être retrouvés morts après, soit succombent à la suite des actes de tortures leur infligés par les tortionnaires du SNR et de la Pnb. Ces tueries visent des militaires encore en activité et même ceux qui sont en retraite ou qui ne prestent plus dans ce corps.
Léonidas Nkeshimana, ancien candidat officier de l’Iscam a été retrouvé mort à Ngagara dans le quartier 10 le samedi 29 janvier 2017. Selon des sources bien concordantes, il avait été enlevé vendredi soir à Kamenge au nord de la Capitale par des hommes en uniforme à bord d’une voiture de marque TI. Ce sont les voitures du genre qui sont souvent utilisées par les éléments du service national de renseignement pour enlever les gens.
Le corps sans vie de l’Adjudant-chef François Nkurunziza a été découvert à 2 km du camp
Mukoni où il travaillait comme chargé de l’administration. Il avait été arrêté et remis à la police le 24 janvier 2017 au lendemain de l’ « attaque» du camp Mukoni. Le corps décapité de l’adjudant avait été trouvé avec deux autres non identifiés mais qui selon des témoins étaient eux aussi des militaires Ex-fab.
Le 21 janvier 2017, l’Adjudant major Elysée Nduwumukama a été arrêté à l’Aéroport international de Bujumbura par des éléments du SNR alors qu’il rentrait de la mission de maintien de la paix en République Centrafricaine. Selon nos sources, il aurait été déjà tué. Plus de nouvelle de lui depuis lors. La victime est un Ex-Fab de l’ethnie Tutsie.
La liste n’est pas exhaustive. D’après nos sources, il y a plusieurs cas de meurtres des militaires
Ex-Fab non rapportés. Toutes ces tueries s’inscrivent dans la logique de persécution et de la chasse à l’homme qui cible généralement les militaires de l’ethnie tutsie. Notons aussi que plusieurs militaires de l’ethnie tutsi font aujourd’hui objet de détention arbitraire tandis que d’autres ont été obligés de fuir le pays après avoir échappé aux attentats ou aux tentatives d’enlèvement.
2.2.2. Le caractère intentionnel des tueries
Selon la Convention internationale sur la répression du crime de génocide, c’est l’intention spécifique de détruire en tout ou en partie le groupe cible qui distingue le crime de génocide des autres crimes de droit international.[7]
Les nombreux et répétitifs graves actes de violence par ailleurs organisés et généralisés, commis contre les membres du groupe ethnique tutsi des FDN s’inscrivent dans une vaste campagne de persécution contre ces anciennes ex-forces armées burundaises. Il existe un plan bien défini et longuement mûri de détruire par tous les moyens les militaires Ex-Fab généralement Tutsi considérés par le pouvoir comme un obstacle à la réalisation de son agenda macabre.[8]
La chasse à l’homme contre cette catégorie de militaires s’explique aussi par la stratégie du régime de diviser pour régner en ethnisant à tout prix l’armée. En ciblant les tutsi tout en épargnant sciemment les militaires hutus - ils sont aussi nombreux qui ne soutiennent pas les abus du pouvoir - le parti Cndd-Fdd veut jouer la carte ethnique sensible pour s’attirer la sympathie de hutus des Fdn. Le pouvoir est conscient de ses exactions. Il sait qu’il ne peut pas toujours compter sur une armée unie et professionnelle et ignore ce que pourra être sa réaction un jour. Pendant les premières semaines des manifestations d’avril 2015, l’armée encore unie et professionnelle, s’interposait souvent entre la police et les manifestants et dans certaines situations, empêchait les policiers de tirer sur les manifestants. C’est ce comportement responsable que le pouvoir veut combattre. Pour y arriver, il fait tout pour diviser ce corps en faisant valoir une prétendue intention des tutsis de revenir au pouvoir.
Tous ces éléments prouvent que les auteurs des tueries sélectives des militaires tutsis agissent dans l’intention de détruire ce groupe ethnique. En conséquence, la CB-CPI estime que ces considérations suffisent pour établir que le crime de génocide est en cours sous une forme non encore ostentatoire et en détruisant les éléments militaires issus de l’ethnie tutsie, il s’ensuit clairement que ce sont les membres de cette ethnie qui seront prochainement visés et tous les secours possibles auront été anéantis.
2.2. Génocide par atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale et éléments constitutifs
Comme évoqué précédemment les militaires Ex-Fab majoritairement issus de l’ethnie tutsie en fonction ou en retraite, font l’objet d’une persécution de toutes formes depuis le début du conflit. Ce n’est plus un secret pour personne. Craignant la persécution, nombreux d’entre eux ont fui le pays. D’autres préfèrent l’exil au terme de leur mission de maintien de la paix à l’étranger plutôt que de rentrer au pays. A titre d’illustration, le Capitaine Epitace Nimbona et l’AdjudantChef Albert Nyambariza qui étaient en mission de maintien de la paix en République Centrafricaine viennent de décider de ne pas rentrer au Burundi suite aux menaces de persécution reçus.
2.2.1. Des actes qui portent gravement atteinte à l’intégrité physique ou mentale
Outre les arrestations et les emprisonnements illégaux, ils subissent des actes de tortures atroces et des traitements inhumains cruels ou dégradants.
Dans ce rapport, nous nous referons aux cas les plus récents. Après l’« attaque» du camp Mukoni de la province de Muyinga, le 24 janvier 2017, plusieurs militaires arrêtés ont subi des actes de tortures avant d’être présentés au procureur. C’est le cas des officiers Runyange et Nimubona respectivement Major et Lieutenant, ainsi que les caporaux-chefs Richard Nkurunziza, Amédée Niyukuri et Fulgence Ndayikengurutse.
Le Caporal-Chef Richard Nkurunziza du 22e Bataillon Blindé de Gitega a vu ses dents cassés suite à la torture.
Le Caporal-Chef Fulgence Ndayikengurutse a été tellement torturé qu’il ne parvenait plus à se mettre debout au cours de l’audience du 27 janvier 2017.[9] Ses tortionnaires, l’ont sommé de manger les excréments humains en lui présentant la tête décapitée de son frère d’armes, l’Adjudant François Nkurunziza. Dans la prison à Rumonge, Fulgence Ndayikengurutse se trouve, selon des témoins, dans un état critique suite aux tortures lui infligées. Atteint sérieusement au niveau des testicules il ne parviendrait plus à manger et n’est pas à même de recevoir des soins appropriés.
Ces cas ne sont pas des actes isolés et la liste est loin d’être exhaustive. Ils s’inscrivent dans le cadre d’une série manifeste de comportements analogues dirigés contre les membres de l’ethnie tutsie au sein de l’armée. Ils répondent à une dynamique ethnique du pouvoir en place visant à ethniser le conflit, en persécutant au tant que faire se peut les Tutsi de l’armée. Ces actes cruels, inhumains et dégradants portent gravement atteinte à l’intégrité physique ou mentale du groupe cible.
2.2.2. Le caractère intentionnel des actes de torture
La torture est devenue une règle. Dans la plus part de cas, la victime est d’abord arrêtée. Ensuite, elle est ligotée à mort puis livrée aux éléments du Snr. On lui inflige alors des tortures atroces de toutes sortes. Manifestement les actes de tortures sont bien programmés et généralisés. Nul doute qu’ils sont commis dans l’intention du pouvoir de détruire les membres du groupe ethnique pris pour cible. Ainsi les actes de tortures et de traitement inhumains et dégradants décrits dans ce rapport constituent des éléments accablants qui peuvent être qualifiés de crimes de génocide par un tribunal compétent.
- Harcèlement aux allures génocidaires contre les déplacés internes.
La crise de 1993 a créée des déplacés internes composés presqu’exclusivement des tutsi. Des sites ont été crées tout juste après le massacre des Tutsi et de certains Hutus de l’opposition. Ce rapport fait état de harcèlement et injustices de toutes natures dont sont continuellement victimes les déplacés internes particulièrement dans les sites de Ruhororo (Ngozi) et Mutaho (Gitega).
Nous relevons ici quelques faits survenus entre décembre 2016 et janvier 2017 dans le site de
Mutaho : Avec le soutien de l'administrateur, le président du parti CNDD-FDD s’est approprié une parcelle située au chef-lieu de la commune de Mutaho appartenant à Musabinka Léa. La propriétaire est une enseignante mariée à l’ancien directeur du lycée islamique de Mutaho étant maintenant en exil. Le Vendredi 9 décembre 2016, un jeune garçon du nom de Désiré (alias
Mukirisu) connu comme ayant un trouble mental a été tabassé à mort lors qu’il sortait du site
Gikomero où il avait rendu visite à sa sœur. Ses agresseurs sont des Imbonerakure de la colline Muzenga qui l’accusaient d’appartenir aux groupes armés. En date du 16/12/2016, un jeune garçon du nom de Ndayiziga Abel ressortissant du site de Gikomero a été arrêté par les policiers au pont Ntahangwa tout près de la permanence du parti CNDD-FDD. L’ayant identifié comme ressortissant du site de déplacés, la police l’a emmené au Service National de Renseignement où il a passé 4jours. Il y a subi plusieurs séances de torture avant d’être transféré à la prison centrale de Mpimba.
Suite à la répression continue contre les déplacés internes de Mutaho, plus de 5 familles (père, mère et enfants) et plus de 15 jeunes ont fui le pays vers le Rwanda, Tanzanie, Ouganda et le
Kenya durant la dernière moitié de décembre 2016. En date du 9/1/2017, au cours d’une réunion avec les chefs de colline, l'administrateur a annoncé le projet de démantèlement du site et du retour forcé des déplacés internes sur leurs collines d’origine. Samedi le 14/1/2017, le chef du site Mutaho a convoqué une réunion des déplacés à laquelle il a également invité l'administrateur de la commune. Dans son discours, ce dernier a déclaré :"vous les déplacés, vous devez retourner chez vous puisque dans notre commune la paix est totale. Je le répète, ne pensez pas que vous avez encore longtemps à rester ici, commencez les préparatifs de quitter ".
Des vols planifiés ont eu lieu dans des champs des déplacés presque sur toutes les collines. A titre d'exemple, on peut citer le vol effectué chez la veuve déplacée du nom de Marie (surnommée Bufu). Tout son champ de maïs a été ravagé dans la nuit du 10/1/2017. Après l’ « attaque » du 24 janvier 2017 au camp militaire de Mukoni en province de Muyinga, une rumeur d’une attaque des Imbonerakure dans le site de Mutaho s’est répandue. Le soir, l’administration communale de Mutaho a mobilisé les populations voisines du site des déplacés, principalement les jeunes miliciens Imbonerakure en vue d’une fouille perquisition qu’ils ont opérée le matin du 25 janvier 2017. Déjà à partir de 18 heures du soir, on pouvait observer un mouvement anormal autour du site des déplacés ainsi que la formation de petits groupes de jeunes gens. Autour d’une heure du matin, des camions remplis de policiers venus notamment de Gitega ont commencé à déposer des dizaines de policiers. Le commandement de la police est rentré dans une réunion avec l’administrateur communal autour de 2 heures du matin. La police a été déployée à l’intérieur du site des déplacés tandis que les Imbonerakure ceinturaient tout le site. Selon des sources concordantes, la police avait reçu l’ordre de tirer sur les résidents du site en cas de résistance tandis que les Imbonerakure postés autour du site procéderaient à l’arrestation des fugitifs. La fouille perquisition a été réalisée à partir de cinq heures du matin. Les miliciens Imbonerakure et les policiers ont systématiquement fouillé une trentaine de maisons visées sur base d’une longue liste préétablie par les Imbonerakure des collines voisines du site. L’équipe de coordination des Imbonerakure comprenait un prénommé Léopold, largement connu comme responsable des Imbonerakure, et d’autres comme Mayeri, Kasimu, Arthémon et Bwesi, etc. Les maisons des ex-FAB étaient particulièrement visées, ainsi que celles des personnes connues pour leurs positions politiques. Aucun objet ou effet militaire n’a été trouvé. La police a arrêté deux jeunes gens accusés d’être fils des assaillants qui ont attaqué le camp de Mukoni. Les deux jeunes gens ont été libérés le même jour.
A la fin de la fouille perquisition, l’administrateur communal a réuni les populations du site des déplacés de Mutaho et les a accusés de cacher au sein du site, des renards. Partant des déclarations de l’administrateur communal, les résidents du site craignent des montages consistant à prétexter l’existence des armes au sein du site. Les habitants sont restés dans la peur.
Ils redoutent d’autres actions de ce genre. Des mandats d’arrêt auraient été délivrés contre certains jeunes.
La persécution continue des personnes déplacées internes vivant au sein des sites des déplacés de Ruhororo (Ngozi) et Mutaho (Gitega) démontre à suffisance que cette catégorie de personnes reste très vulnérable et exposée. La tentative de retour forcé sur leurs collines d’origine ayant échoué à plusieurs reprises, le pouvoir en place se montre plus que déterminé à en découdre avec les résidents desdits sites. Profitant de la crise en cours, ils pourraient accélérer le processus. Une stratégie est mise en place : l’intimidation, la surveillance et les patrouilles des Imbonerakure autour desdits sites forcent déjà les familles à s’exiler en dehors du Burundi, du moins celles qui parviennent à franchir les frontières. Les jeunes des sites des déplacés deviennent des boucs émissaires chaque fois qu’il y a une attaque, non seulement, autour des sites mais aussi dans les communes éloignées.
La situation décrite ci-dessus est aggravée par de multiples et récurrents propos haineux divulgués par les dirigeants du pays et du parti au pouvoir, le CNDD-FDD. Les déplacés internes aujourd’hui sous menaces de génocide.
4. Les facteurs favorisant les violations
Les éléments qui suivent aident à comprendre la recrudescence des violations des droits de l’Homme au Burundi.
4.1. Impunité et promotion des auteurs des violations
Comme indiqué dans les pages précédentes, le pouvoir favorise les crimes et garantit leur impunité totale. C’est dans ce contexte que les personnes réputées être très actives dans la répression et la persécution sont remerciées. A titre d’illustration, Gabriel Nizigama et Gervais
Ndirakobuca viennent d’être promus au grade le plus élevé de la police, équivalent au grade de Lieutenant Général dans l’armée. Alors Ministre de la Sécurité Publique, Gabriel Nizigama a joué un rôle de premier plan dans la répression sanglante des manifestations pacifiques contre le
3e mandat illégal de Pierre Nkurunziza. Ndirakobuca Gervais est connu comme étant l’un des officiers de la police les plus violents. Son surnom Ndakugarika (Je vais te tuer) sonne déjà la violence. On lui attribue la responsabilité dans d’innombrables violations graves des droits de l’homme depuis que le Cndd-Fdd est au pouvoir. Pendant et après les manifestations, son rôle dans la répression était prépondérant. Il est sous les sanctions des Etats Unis et de l’Union Européenne pour le rôle déjà prouvé qu’il a joué dans la violation des droits humains.
La promotion des auteurs des actes de violence est là une preuve supplémentaire que le régime en place soutient et encourage activement les violations des droits de l’homme. C’est un signe éloquent que le régime n’entend pas faire arrêter la répression et la persécution aux dynamiques génocidaires.
4.2. Poursuite de l’armement et de l’entrainement paramilitaire des miliciens Imbonerakure
Les miliciens imbonerakure sont parmi les acteurs de la répression. Ces derniers continuent de subir des entrainements paramilitaires. Le 21 janvier 2017, ces miliciens affiliés au parti au pouvoir ont subi des séances de formations paramilitaires dans la commune Giharo de la province Rutana au sud du pays. Selon nos sources, ces séances sont monnaie courante dans la province de Karusi. Elles sont organisées publiquement tous les samedis ce qui fait peur à la population.
Ces entrainements se poursuivent dans presque toutes les contrées du Burundi. Ils commencent généralement tôt le matin, par une course à pied avec des chants et slogans ravivant la haine ethnique et hostiles aux opposants, aux défenseurs des droits de l’homme nationaux ou internationaux et à certains pays étrangers notamment la Belgique, le Rwanda et l’Union Européenne. Après, les miliciens se rassemblent dans un lieu choisi pour les besoins de la cause et pratiquent des exercices militaires comprenant entre autres le maniement d’armes à feu.
Selon nos sources, des opérations de livraison d’armes sont effectuées dans la soirée et dans des lieux tenus secrets et loin des regards indiscrets. C’est à ce moment que les armes sont distribuées aux miliciens. Tout cela se fait sous l’encadrement et l’œil vigilant des agents de l’administration, du Snr, de la police et de l’armée.
Ces miliciens ont à leur actif de nombreux actes de violence avant, pendant et après le mouvement citoyen contre le 3e mandat. La poursuite de leur entrainement paramilitaire n’augure rien de bon ; c’est un signe éloquent que le pire se prépare au Burundi. Il suffit d’un moindre incident pour y assister. Un scenario que l’on n’aimerait pas voir se réaliser.
4.3. Echec des négociations et risque d’une guerre civile
Dans l’objectif de résoudre le conflit pacifiquement, les pays membre de la Communauté Est
Africaine (EAC) ont désigné l’ancien président de la République Unie de la Tanzanie, Benjamin Mkapa pour faciliter le dialogue inter-burundais sous la houlette du Président Ougandais
Yoweli Kaguta Museveni. Mais, jusqu'à maintenant rien de concret n’a été fait et tout indique que la solution négociée de la crise reste un idéal lointain difficilement accessible ou jamais inaccessible. La CB-CPI estime que trois facteurs sont à l’ origine de cet échec.
4.3.1. Le refus du pouvoir de s’asseoir avec les vrais opposants
Le pouvoir en place n’a jamais voulu négocier avec les vrais opposants politiques au 3e mandat regroupés au sein de la plate-forme Cnared. Le pouvoir de Bujumbura les assimile vaguement et à tort aux putschistes et jure qu’il ne peut pas s’assoir avec cette plate-forme entant que tel. Non plus, le Gouvernement ne veut pas entendre parler des organisations de la société civile et des medias regroupés au sein du mouvement « halte au troisième mandat ». Pourtant, ils ont démontré leur capacité de mobilisation contre la violation de la constitution et les accords d’Arusha. Leur apport dans la résolution du conflit actuel est d’autant crucial qu’ils ne cherchent pas le pouvoir.
4.3.2. Le parti pris du facilitateur pour le pouvoir
Les actions du facilitateur Benjamin Mkapa semble être téléguidées par le parti au pouvoir le Cndd-Fdd. Il ne pouvait pas en être autrement étant donné que le secrétariat de la EAC à qui il incombe l’organisation des négociations est dirigé par un membre influent du parti Cndd-Fdd et de plus, proche et bras droit du président Pierre Nkurunziza. Dans ce contexte, aucune action ou décision contraire aux desideratas du pouvoir ne passe pas. C’est pourquoi le Cnared n’est pas invité en tant que coalition politique de l’opposition et les acteurs de la société civile ne sont pas associés dans ces négociations.
Mais, il n’en serait pas ainsi si le facilitateur n’avait pas lui-même un parti pris pour le pouvoir. Il a l’a démontré publiquement à la surprise totale et au grand dam de beaucoup de Burundais en déclarant que le 3e mandat de Pierre NKURUNZIZA est légitime alors que tel est le nœud de la crise dont il est appelé à aider les Burundais à trouver une solution durable. Ce comportement partisan qui n’est pas digne d’un facilitateur lui a valu d’ailleurs la contestation par une grande partie de l’opposition.[10]
4.3.3. Conserver le pouvoir par la terreur
Selon les sources dont dispose la CB-CPI, les vrais détenteurs du pouvoir n’adhérent et n’ont jamais adhéré à l’idée des négociations. Ces noyaux durs du régime composés de hauts gradés de la police et de l’armée issus des Ex-Pmpa et bras droits de Nkurunziza, ainsi que certains civils extrémistes du parti au pouvoir et des partis satellites sont hostiles aux négociations. Ils soutiennent plutôt la solution militaire et sont déterminés à conserver le pouvoir par la force et la terreur. La mobilisation, l’entrainement et l’armement des Imbonerakure, et la poursuite de la persécution et multiplication des actes de violences contre les populations civiles opposées au 3e mandat s’inscrivent dans cet objectif.
L’échec des négociations ouvre la porte à la guerre civile dont les effets pervers sont connus. Déjà plusieurs mouvement armés se sont déjà constitués et ne cachent pas leur intention de recourir aux armes pour faire entendre leur voix. Nous en citons les Forces Républicaines du
Burundi (Forebu) et Resistance pour l’Etat de Droit, (Red-Tabara) et bien d’autres. L’absence d’une solution pacifique négociée ne fait que renforcer leurs sentiments favorables à une lutte armée.
5. Conclusion et recommandations
Au cours du mois de janvier 2017, les violations graves des droits de l’homme ont continué. Les éléments constitutifs des crimes de génocides et crimes contre l’humanité ont été commis contre les militaires issus de la catégorie sociale tutsi et contre les populations civiles [hutu et tutsi confondus] opposés au 3e mandat ou considérées comme tel par le régime. Le pouvoir a adopté une stratégie : Tuer à huis clos et en silence pour ne pas éveiller la communauté internationale.
Le harcèlement continue des déplacés internes ne fait qu’accentuer la crainte d’un massacre ethnique de grande ampleur. L’impunité des auteurs, la poursuite de l’armement des miliciens Imbonerakure est de nature à empirer davantage la situation des droits de l’homme. L’impasse des négociations ne joue pas en faveur de l’apaisement. Cela crée plutôt, les conditions favorables à la guerre civile qui risque de servir de prétexte au régime en place pour commettre l’irréparable, c’est- à -dire un génocide de masse à la rwandaise.
Au vu de ce qui procède, la CB-CPI recommande :
- A la Cour Pénale Internationale
- D’ouvrir les enquêtes proprement dites pour traduire en justice les auteurs des crimes de droit international commis au Burundi ;
- Au Gouvernement du Burundi
- D’arrêter immédiatement les violations graves des droits de l’homme
- De punir tous les auteurs de violations
- D’avoir toujours à l’esprit que sa responsabilité première est la protection de ses citoyens ;
- De mettre un terme au harcèlement et aux injustices contre les déplacés internes
- De renoncer au programme de fermeture abusive des sites des déplacés internes et d’assurer leur sécurité
- Au Conseil de Sécurité des Nations Unies
- De considérer que l’Etat du Burundi n’a pas la volonté de protéger la population et d’appliquer le chapitre VII de la Charte des Nations Unies pour envoyer des troupes de protection en vertu du principe de la responsabilité de protéger.
- De mettre en application la résolution 2303 en rapport avec l’envoi au Burundi d’une force policière de protection
- De ne pas attendre que le génocide soit totalement consommé pour agir
- A la Communauté Est-Africaine
- De prendre des mesures contre le gouvernement du Burundi pour l’amener à accepter des négociations inclusives
- D’encourager les négociations sincères et inclusives en décourageant tout comportement partisan de la part du bureau de la facilitation.
[1] La de finition de crimes contre l’humanité a été codifiée à l’article 7 de la Cour Pénale Internationale
[2] Les Imbonerakure sont des miliciens affiliés au parti au pouvoir le Cndd-Fdd. Ils participent activement dans la répression
[3] Voir aussi le Rapport mensuel de la Ligue Iteka de Janvier 2017
[4] Ces informations sont confirmées par Pierre Claver Mbonimpa , Président de l’Aprodh
[5] Cette affaire est entourée de plusieurs zones d’ombre. Le porte-parole de l’Armée affirme que le camp a été attaqué par des voleurs armés. Mais, paradoxalement la réaction des autorités militaires et policières a été de faire la chasse des militaires Ex-fab issus de la communauté tutsie non seulement dans le camp attaqué de Mukoni mais aussi dans d’autres camps militaires. Pour beaucoup d’observateurs, il s’agissait d’une attaque simulée pour justifier la persécution contre cette catégorie de militaires
[6] Art, 6 Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale
[7] Art 2, Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, 1948
[8] L’Association ‘’Club de Nonoka’’ a été créée pour aider dans l’exécution du plan. Elle est composée exclusivement par des sous-officiers issus des anciens Ex-Pmpa d’origine hutue. Nos sources indiquent que ces militaires sont de mèches avec les SNR. C’est eux qui dressent et donnent aux SNR les listes des Ex-Fab à arrêter, à enlever et à tuer. Des fois, ils participent directement dans les attaques armées contre leurs frères d’armes
[9] Voir aussi, Atrocities Watch Africa, Situation Hebdomadaire , 23-29 Janvier 2017
[10] Les principaux leaders du Cnared ont officiellement rejeté le facilitateur Benjamin Mkapa. Mais, il est possible qu’ils changent de position surtout que l’Onu et l’Union Africaine ont réitéré leur soutien au facilitateur.