Rapport du Mois de Mai 2018
Rôle et participation des victimes dans la procédure devant la CPI: Cas du Burundi.
TABLE DES MATIERES
3.1. Définition de la victime aux termes du statut et du Règlement de procédure et de preuve…
3.2. Les droits de la victime devant la Cour Pénale Internationale
3.2.1. Participation des victimes à la procédure devant la Cour
3.2.3. Protection, soutien et assistance
- Les personnes bénéficiaires des mesures de protection, de soutien et d'assistance……………….
- Types de mesures de protection
- Procédure en Réparation en faveur des victimes
- Qui a droit aux ordonnances de réparation
- Contre qui sont rendues des ordonnances de réparation ?
- Fonds au profit de la victime
- CONCLUSION
- SIGLES ET ABREVIATIONS
CB-CPI : Coalition Burundaise pour la Cour pénale internationale
CPI : Cour pénale internationale
CNDD-FDD : Conseil National pour la Défénse de la Démocratie Forces de Défense de la Démocratie
FIDH : Fédération Internationale des organisations de Défense des droits de l'Homme
ONU : Organisation des nations unies
1. INTRODUCTION
Le Burundi connait une grave crise politique depuis l'annonce du 3ème mandat illégal et illégitime de Pierre NKURUNZIZA en avril 2015. Dès lors, le régime de Bujumbura a mis en place un système violent de répression. Les opposants au régime, la population qui a manifesté contre la violation flagrante de la Constitution et de l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation, les militants des droits humains, les leaders de la société civile ont été persécutés. Les présumés responsables de cette persécution sont les éléments relevant de la police, l'armée, le service national de renseignement et la milice imbonerakure.
Ceci se produit dans un climat où la justice est manipulée et ne peut pas accomplir sa mission de rendre une justice équitable et impartiale. Cette situation d’inertie du système judiciaire burundais corroborée par la violation massive et croissante des droits humains a alors poussé les juges de la Cour pénale internationale (CPI) à autoriser l’ouverture d’une enquête sur la situation au Burundi. Cette décision a été prise le 25 octobre 2017 soit deux jours avant le retrait effectif du Burundi au statut de Rome.
La CPI ne peut pas compter aboutir à de bons résultats, et de rendre justice s'elle n'implique pas les témoins et les victimes qui l'éclaireraient sur les circonstances, les souffrances et d’autres détails relatifs à la commission des différents crimes graves. Ainsi, les victimes tout comme les témoins sont dans une situation dangereuse dans la mesure où ils sont confrontés quotidiennement aux bourreaux qui aimeraient que la vérité continue à être occultée d’où des mesures de protections sont indispensables pour leur sécurité.
Dans son rapport du mois de mai 2018, la CB-CPI va mettre la lumière sur le rôle et la place des victimes dans la procédure devant la Cour Pénale Internationale en insistant sur leurs droits et afin d’éclairer leur lanterne pour qu’elles n’aient pas des attentes déraisonnables face à une procédure longue, complexe et parfois pouvant être ponctuée par des rebondissements qui tiennent compte de l’évolution du contexte global dans le pays sous enquête.
Ce sujet étant vaste, la CB-CPI va se contenter de livrer des informations qu’elle juge saillante et que les victimes des crimes de droit international commis au Burundi devraient savoir et pour tenter de donner une information complète, les publications ultérieures pourraient s’atteler à d’autres aspects qui seront jugés pertinents.
Il importe également de préciser que des informations plus approfondies peuvent être recueillies sur le site internet de la CPI : www.icc-cpi.int
2. Qu’est-ce que la Cour pénale Internationale
Contrairement à d'autres tribunaux pénaux ad hoc, la Cour pénale internationale (CPI) est une juridiction pénale universelle permanente [1]chargée de juger les personnes accusées de crime de génocide, de crime contre l'humanité, de crime d'agression et de crime de guerre.
La Cour pénale Internationale a été créée par le Statut de Rome. Ce dernier est adopté lors d'une conférence diplomatique qui s'est déroulé à Rome en date du 15 au 17Juillet 1998. Il entre en vigueur le 1er juillet 2002 après sa ratification par 60 États[2] .
La compétence de la Cour n’a pas de caractère rétroactif, elle traite les crimes commis après la date de son entrée en vigueur.
Le siège officiel de la Cour est situé à La Haye, aux Pays-Bas[3] mais conformément à l'article précèdent, lu conjointement avec la règle 100 du règlement de procédure et de preuve, la cour peut siéger dans un Etat autre que l'Etat hôte [4]
La CPI peut en principe exercer sa compétence si la personne mise en accusation est un national d’un État membre, ou si le crime supposé est commis sur le territoire d’un État membre, ou encore si l’affaire lui est transmise par le Conseil de sécurité des Nations unies. La Cour est conçue pour compléter les systèmes judiciaires nationaux : elle ne peut exercer sa compétence que lorsque les juridictions nationales n’ont pas la volonté ou la capacité pour juger de tels crimes. L’initiative en matière d’enquête et de jugement de ces crimes est donc laissée aux États en priorité.
Le Burundi avait ratifié le statut de Rome le 21 septembre 2004 mais suite aux crimes contre l'humanité soupçonnés être commis et qui impliqueraient des autorités burundaises, le Burundi se retira de ce statut le 27 Octobre 2017 et cela pour échapper à une enquête qui avait été ouverte deux jours avant que ce retrait prenne effet.
2.1. Composition de la CPI
La CPI est composée de quatre organes :
La présidence : elle se compose d'un président et des premier et second vice-présidents. Ils sont élus à la majorité absolue par les juges pour un mandat renouvelable de trois ans. La présidence est chargée de la bonne administration de la Cour, à l'exception du bureau du procureur (de manière à garantir l'indépendance de ce dernier). Les dix-huit juges sont élus pour 9 ans, non renouvelables.
Les Chambres : elles se chargent des fonctions judiciaires (juger les prévenus). Les Chambres sont composées de juges qui sont élus par les États parties pour un mandat d'une durée de trois, six ou neuf ans. Tous les juges sont originaires des États parties. Les chambres sont au nombre de trois :
La Chambre préliminaire : elle étudie la validité des requêtes et autorise ou non le début d'une procédure d'enquête pouvant déboucher sur un procès.
La Chambre de première instance : elle juge les affaires validées par la Chambre préliminaire.
La Chambre d'appel : elle juge les affaires portées en appel contre un jugement rendu pour la Chambre préliminaire ou de première instance.
Le bureau du procureur : il se compose du procureur, élu pour un mandat de 9 ans non renouvelable par l'Assemblée des États parties, et de procureurs adjoints. Le rôle du procureur est d'ouvrir et de diriger les enquêtes, de proposer l'inculpation des accusés aux Chambres et de rassembler des preuves à présenter lors des procès, où il mène l'accusation. Le bureau du procureur est un organe indépendant de la présidence et du greffier, et gère en autonomie son budget et son organisation. Le procureur a un pouvoir discrétionnaire à l'heure d'ouvrir une enquête, et est le seul à pouvoir le faire, de son propre chef ou sur demande du Conseil de sécurité des Nations unies.
Le greffe : il est chargé des aspects non judiciaires, telle la gestion des preuves. Il est dirigé par le greffier qui est élu à bulletin secret, à la majorité absolue des juges. Il est sous l’autorité du président de la Cour.
2.2. Compétence de la CPI
Elle juge des individus. C'est là l'innovation principale (la Cour internationale de justice ne juge que les États).
Sa compétence n'est pas rétroactive : les crimes doivent avoir été commis après l'entrée en vigueur de son statut (1er juillet 2002). Il n'y a pas de prescription pour les crimes commis après l'entrée en vigueur de son statut.
Sa compétence matérielle concerne les crimes de guerre, crimes contre l'humanité, crimes de génocide et crimes d'agression (art. 5 du statut) :
Crimes de guerre : infractions graves aux Conventions de Genève de 1949 et aux Protocoles de 1977, commises en période de conflit armé (art. 8 du Statut).
Crimes contre l'humanité : actes graves commis contre une population civile dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique pour des motifs d'ordre politique, racial, national, ethnique ou religieux. (art. 7)
Crime de génocide : il est une forme particulière du crime contre l'humanité et s'en distingue par l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique ou religieux, comme tel (art.6).
La définition du crime d'agression a été adoptée par l'Assemblée des États parties en 2010 à Kampala. Cet élément de la compétence est désormais en phase de ratification par les États parties en vue de son entrée en vigueur. Le crime d'agression a été activé par l'Assemblée des États parties en 2017. Cependant, la Cour n'est compétente en matière de crime d'agression qu'à l'égard des États ayant ratifié l'amendement ayant défini le crime d'agression[5].
La Cour n'est compétente que si l'une des trois conditions suivantes est remplie :
L’accusé est ressortissant d'un État partie au statut ou qui accepte la juridiction de la CPI en l'espèce,
Le crime a été commis sur le territoire d'un État partie ou qui accepte la juridiction de la CPI en l'espèce,
Le Conseil de sécurité a saisi le procureur en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations unies (pas de limite alors de compétence ratione personae).
En vertu du principe de complémentarité[6], les États conserveront à titre principal la responsabilité de poursuivre et juger les crimes les plus graves. La CPI ne sera compétente qu'en cas de défaillance ou de mauvaise volonté des États. La CPI est seule compétente pour déterminer si un État est défaillant ou de mauvaise volonté.
La CPI ne peut être saisie que par un État partie (c'est-à-dire qui a ratifié le statut de Rome), le Procureur ou le Conseil de sécurité des Nations unies.
Afin d'éviter les procès qui traînent en longueur ou les saisines fantaisistes, une chambre préliminaire a été créée. Celle-ci instruit le dossier préalablement à l'audience et devra notamment établir le « contexte historique » des crimes. Elle établit un véritable dialogue avec le parquet, voire un contrôle, et confère ainsi aux juges une marge d'intervention susceptible d'appel sur la politique du parquet et le déroulement du procès : fixer des délais, limiter le nombre des témoins…
3. Les droits de la victime devant la Cour Pénale Internationale.
3.1. Définition de la victime aux termes du statut et du Règlement de procédure et de preuve.
Selon la règle de procédure et de preuve[7], le terme victime a deux définitions qui suivent :
- a) Le terme « victime » s’entend de toute personne physique qui a subi un préjudice du fait de la commission d’un crime relevant de la compétence de la Cour ;
- b) Le terme « victime » peut aussi s’entendre de toute organisation ou institution dont un bien consacré à la religion, à l’enseignement, aux arts, aux sciences ou à la charité, un monument historique, un hôpital ou quelque autre lieu ou objet utilisé à des fins humanitaires a subi un dommage direct.
3.2. Les droits de la victime devant la Cour Pénale Internationale
Dans le cadre du régime adopté par la Cour pénale internationale, les victimes peuvent envoyer des informations au Procureur pour lui demander d'ouvrir une enquête .Les victimes ont des droits devant la CPI : Elles ont le droit de participer à la procédure et celui de demander des réparations.
3.2.1. Participation des victimes à la procédure devant la Cour
Conformément à l’article 68-3 du Statut de Rome, les victimes peuvent participer à la procédure devant la Cour à tous les stades de la procédure dès lors que leurs intérêts personnels sont concernés. Cela ne signifie pas que les victimes peuvent engager une procédure mais il s’agit d’une étape importante, les victimes étant désormais en mesure de participer à des procédures pénales et d’exposer leurs vues et préoccupations indépendamment de l’Accusation. L’article 68-3 du Statut de Rome ne prévoit pas de délai spécifique au cours duquel les victimes peuvent participer à la procédure, mais réserve cette prérogative aux juges qui fixent les délais qu’ils estiment appropriés.
Afin de participer à la procédure, les victimes doivent présenter leur demande écrite au Greffier, de préférence avant le début de la phase de la procédure à laquelle elles souhaitent participer. Le Règlement de la Cour a créé une section spécialisée (la Section de la participation des victimes et des réparations) responsable de la participation des victimes et des réparations et chargée d’informer les victimes de leurs droits et de les assister : en particulier, en élaborant des formulaires standards aux fins de participation et de réparation
Le statut de Rome et le règlement de procédure et de preuves de la CPI octroient aux victimes un rôle indépendant. Les victimes qui participent devant la CPI ont le droit d’avoir des représentants légaux. Il appartient aux juges de décider si les victimes qui demandent à participer à la procédure sont des victimes de la situation (objet des enquêtes, avant l’émission de mandat d’arrêt) ou de l’affaire (objet des poursuites), si leurs intérêts sont affectés, et de prévoir les modalités et le moment de leur participation dans la procédure. Une fois leur demande de participation acceptée, les victimes se voient reconnaître des droits, en tant que participants indépendants à la procédure. La Cour doit leur permettre de présenter leurs vues et préoccupations lorsque leurs intérêts personnels sont affectés. En outre, les victimes ont le droit d’être notifiées des développements de la procédure, et le droit de bénéficier de mesures de protection appropriées. Il est important de noter que la procédure de demande de réparation est une procédure indépendante. Les victimes n’ont aucune obligation de participer au stade de l’enquête préliminaire ou au stade du procès pour demander réparation (et inversement).
Les victimes peuvent jouer un rôle dans la procédure :
- en envoyant des informations au Procureur sur les crimes qui, selon elles, ont été commis ;
- en déposant devant la Cour, lorsqu'elles sont citées en qualité de témoin ;
- lorsque leurs intérêts personnels sont concernés, en présentant leurs vues et préoccupations à la Cour à toutes les phases de la procédure, d'une façon qui ne soit ni préjudiciable ni contraire aux droits de la Défense et aux exigences d'un procès équitable et impartial. Cette contribution peut intervenir dès les premières phases des procédures (par ex. lors d'une audience au cours de laquelle le Procureur sollicite des juges l'autorisation d'ouvrir une enquête ou demande à la Cour de confirmer des charges portées contre un suspect), mais également pendant le procès ou l'appel ;
- en demandant des réparations.
Les victimes peuvent demander à participer à ces phases en remplissant le formulaire standard ad hoc. Toutes les demandes sont examinées par les juges de la chambre compétente. Ces derniers déterminent si les personnes concernées ont subi un préjudice du fait de la commission d'un crime relevant de la compétence de la Cour. Ils décident également à quel moment et de quelle manière les victimes pourront faire part de leurs vues et de leurs préoccupations.
3.2.2. Représentation légale
La participation des victimes à la procédure se fera dans la plupart des cas par l'intermédiaire d'un représentant légal. En principe, les victimes n'auront pas à se déplacer jusqu'au siège de la Cour si tel n'est pas leur souhait : leurs représentants légaux se chargeront de présenter leurs vues et préoccupations à la Cour.
Les victimes sont libres de choisir leur représentant légal[8], lequel doit avoir une grande expérience en qualité d'avocat, de juge au pénal ou de procureur, et maîtriser parfaitement une des langues de travail de la Cour (français ou anglais). [9]
La CPI aidera les victimes à trouver un représentant légal en leur fournissant une liste d'avocats. Bien que disposant de ressources limitées pour l'aide judiciaire, elle peut être en mesure d'apporter une certaine assistance financière. Par ailleurs, le Bureau du conseil public pour les victimes fournira gratuitement une aide judiciaire aux victimes.
Lorsque les victimes sont nombreuses, les juges peuvent leur demander de choisir un représentant légal commun ou une équipe de représentants aux fins d'efficacité de la procédure[10]. Si, pour une raison ou une autre, les victimes ne sont pas en mesure de le faire, les juges peuvent demander au Greffier de s'en charger[11]. Si les victimes ne sont pas satisfaites de son choix, elles peuvent demander aux juges d'examiner la décision du Greffier.
Lorsqu’un représentant légal commun est choisi, les Chambres et le Greffe prennent toutes les précautions raisonnables pour que les intérêts propres de chaque victime, tels qu’ils sont notamment envisagés au paragraphe 1 de l’article 68, soient représentés et que tout conflit d’intérêts soit évité
3.2.3. Protection, soutien et assistance
Le droit de protection, de soutien et d'assistance est prévu à l'art 68.1 du statut de Rome qui stipule : « La Cour prend les mesures propres à protéger la sécurité, le bien-être physique et psychologique, la dignité et la vie privée des victimes et des témoins. Ce faisant, la Cour tient compte de tous les facteurs pertinents, notamment l’âge, le sexe (...) et l’état de santé, ainsi que la nature du crime, en particulier et sans s’y limiter, lorsque celui-ci s’accompagne de violences à caractère sexuel, de violences à caractère sexiste ou de violences contre les enfants. (…) Ces mesures ne doivent être ni préjudiciables ni contraires aux droits de la défense et aux exigences d’un procès équitable et impartial ».
La règle 86 quant à elle indique que tous les organes de la Cour, lorsqu’ils s’acquittent de leurs fonctions, doivent tenir compte des besoins des victimes et des témoins : « Les Chambres, lorsqu’elles donnent un ordre ou une instruction, et les autres organes de la Cour, lorsqu’ils s’acquittent des fonctions qui leurs sont dévolues par le Statut et le Règlement, tiennent compte des besoins des victimes et des témoins (…), en particulier s’il s’agit d’enfants, de personnes âgées, de personnes handicapées et de victimes de violences sexuelles ou sexistes ».
- Les personnes bénéficiaires des mesures de protection, de soutien et d'assistance
La règle 87.1 prévoit que les mesures peuvent être ordonnées afin de protéger « une victime, un témoin ou une autre personne à laquelle la déposition d’un témoin peut faire courir un risque ».
La règle 87 doit être interprétée d'une façon extensive du moment que la définition de la victime donnée à la règle 85 alors qu'il n y a pas de définition portant sur une autre personne à laquelle la déposition d'un témoin peut faire courir un risque. Ainsi, toutes les victimes qui demandent à participer aux procédures, qu’elles se déplacent ou non jusqu’au siège de la Cour, et que leurs demandes de participation soient acceptées ou non, devraient par conséquent pouvoir bénéficier de mesures de protection.
- Types de mesures de protection
La règle 87 ne fournit pas une liste exhaustive des types de mesures de protection qui peuvent être ordonnées par les Chambres, et les juges ont en conséquence une large marge d’appréciation quant à la détermination des mesures appropriées dans le contexte particulier de chaque affaire, conformément à l’obligation générale prévue à l’article 68. La Chambre devra ainsi prendre en compte les circonstances spécifiques des victimes, témoins ou autres personnes courant un risque, et déterminer les mesures adéquates en conséquence.
La règle 87.3 fournit quelques exemples de mesures qui peuvent être ordonnées afin « [d’] empêcher que soient révélés au public, à la presse ou à des agences d’information, l’identité (...) ou le lieu où se trouve [une victime, un témoin ou une autre personne courant un risque] ».
La règle 87.3 énumère les exemples de mesures de protection suivants : - Que le nom de la victime, du témoin ou de toute autre personne à laquelle la déposition d’un témoin peut faire courir un risque et toute autre indication qui pourrait permettre l’identification de l’intéressé soient supprimés des procès-verbaux de la Chambre rendus publics.
Qu'il soit fait interdiction au procureur, à la défense ou à tout autre personne participant à la procédure de révéler le nom de la victime, du témoin ou de tout autre personne à laquelle la déposition d'un témoin peut faire courir un risque et toute autre indication qui pourrait permettre l'identification de l'intéressé au tiers
Qu'un pseudonyme soit employé
Que des dépositions soient recueillies par des moyens électroniques ou autres moyens spéciaux, y compris des moyens techniques permettant l'altération de l'image ou de la voix , des techniques audio visuelles, en particulier les vidéoconférences et la télévision en circuit fermé , et le recours à des moyens exclusivement acoustiques
Que la procédure devant les chambres se déroule partiellement à huis clos
3.2.4. Réparation
Le principe général en droit international est que « la réparation doit, autant que possible, effacer toutes les conséquences de l’acte illicite et rétablir l’état qui aurait vraisemblablement existé si ledit acte n’avait pas été commis [12]».
La réparation doit donc être proportionnelle aux dommages subis.
Le droit international définit différentes formes de réparations telles que la restitution, l’indemnisation et la réhabilitation. [13]
- l’indemnisation, qui consiste généralement en une indemnisation monétaire au titre d'un préjudice moral, matériel ou physique. Cela peut inclure l'indemnisation au titre des atteintes à l'intégrité physique ou mentale, de la perte de revenus, de la douleur, de la souffrance, des troubles émotionnels et des occasions perdues ;
- la restitution, qui vise, autant que possible, à rétablir les victimes dans leur situation antérieure. Elle peut prendre la forme d'une restitution de biens ;
- la réhabilitation, qui vise à permettre aux victimes de continuer à vivre aussi normalement que possible. La réhabilitation peut couvrir le coût des soins médicaux, psychologiques ou psychiatriques, ainsi que les frais liés aux services sociaux et juridiques et autres services nécessaires à la dignité et au bien-être des victimes.
- Procédure en Réparation en faveur des victimes
La procédure en réparation est prévue par l'art 75.1 qui stipule que "la cour peut ordonner des réparations sur demande ou de son propre chef
La règle 94 quant à elle organise la procédure concernant les demandes individuelles alors que la règle prévoit les règles procédurales applicables aux ordonnances délivrées par la cour de son propre chef.
La procédure à suivre en cas de demandes présentées par les victimes est la suivante [14]:
- Les demandes en réparation présentées par les victimes en vertu de l’article 75 sont déposées par écrit auprès du Greffier. Elles doivent contenir les indications ou éléments suivants :
- a) Les nom, prénoms et adresse du requérant ;
- b) La description du dommage, de la perte ou du préjudice ;
- c) Le lieu et la date de l’incident et, dans la mesure du possible, les nom et prénoms de la personne ou des personnes que la victime tient pour responsables du dommage, de la perte ou du préjudice ;
- d) Le cas échéant, la description des avoirs, biens ou autres biens mobiliers corporels dont la restitution est demandée ;
- e) Une demande d’indemnisation ;
- f) Une demande de réhabilitation ou de réparation sous d’autres formes ;
- g) Dans la mesure du possible, toutes pièces justificatives, notamment les noms et adresses des témoins.
Règle 95 Procédure à suivre lorsque la Cour agit de son propre chef
- Lorsqu’elle entend procéder d’office en vertu du paragraphe 1 de l’article 75, la Cour demande au Greffier de notifier son intention à la personne ou aux personnes contre lesquelles elle envisage de statuer et, dans la mesure du possible, aux victimes, à toute personne et à tout État intéressés. Les destinataires de cette notification peuvent déposer des observations auprès du Greffe en vertu du paragraphe 3 de l’article 75.
- Si, à la suite de la notification prévue dans la disposition 1 ci-dessus :
- a) Une victime dépose une demande en réparation, il est statué sur cette demande comme si elle avait été déposée conformément à la règle 94 ;
- b) Une victime demande que la Cour ne rende pas d’ordonnance de réparation, la Cour ne rend pas d’ordonnance individuelle pour cette victime.
Règle 96 Publicité donnée aux procédures en réparation
- Sans préjudice d’aucune autre règle relative à la notification des procédures, le Greffier adresse dans la mesure du possible une notification aux victimes ou à leurs représentants légaux et à la personne ou aux personnes concernées. Il prend aussi, en tenant compte des renseignements que le Procureur peut lui avoir fournis, toute mesure nécessaire pour donner une publicité adéquate aux procédures en réparation devant la Cour, afin, autant que possible, que les autres victimes, les personnes et États intéressés en soient convenablement informés.
- Lorsqu’elle prend les mesures prévues dans la disposition 1 ci-dessus, la Cour peut, conformément au chapitre IX, solliciter la coopération des États Parties concernés, et l’assistance d’organisations intergouvernementales pour que soit donnée par tous les moyens la plus large publicité possible aux procédures en réparation qui se déroulent devant elle.
2. Qui a droit aux ordonnances de réparation
La Cour peut rendre une ordonnance indiquant la réparation qu’il convient d’accorder « aux victimes ou à leurs ayants droit ».[15]
En vertu de la règle 85, le terme « victimes » comprend les personnes physiques et certaines organisations dont les biens ont subi un dommage direct. L’expression « ayants droit » doit être interprétée comme incluant les membres de la famille et les personnes dépendantes des victimes[16].
Cependant, les ordonnances de réparation ne pourront être rendues qu’à l’encontre des personnes reconnues personnellement responsables, ce qui créé une limite considérable concernant les personnes susceptibles de bénéficier d’une ordonnance de réparation qui seront donc uniquement les victimes des crimes pour lesquels une personne a été condamnée par la Cour[17].
Le nombre de victimes qui pourront prétendre à une ordonnance de réparation sera donc largement dépendant de la stratégie du Procureur en matière de sélection des affaires, des personnes, et des charges retenues dans le cadre des poursuites.
- Contre qui sont rendues des ordonnances de réparation ?
En vertu de l’article 75.2, la Cour peut rendre une ordonnance « directement contre une personne condamnée ». Lors des négociations du Statut de Rome, les États avaient envisagé d’autoriser la Cour à rendre des ordonnances à l’encontre des États. Cependant, cette proposition controversée a été finalement écartée et la version finale du Statut exclut cette possibilité. En revanche, une ordonnance de la Cour n’exclut pas la possibilité pour les victimes d’utiliser les autres mécanismes de réparation disponibles devant des organes nationaux ou internationaux, pour obtenir réparation des États. En ce sens, l’article 75.6 dispose : « Les dispositions du présent article s’entendent sans préjudice des droits que le droit interne ou le droit international reconnaissent aux victimes[18]».
Le principe selon lequel la Cour ne peut rendre une ordonnance de réparation qu’après la condamnation de l’accusé a une incidence certaine sur le moment auquel ces ordonnances peuvent être adoptées : celles-ci ne pourront être rendues qu’à l’issue du procès[19].
En outre, cela signifie que la participation des victimes au stade préliminaire ou au stade du procès pourrait revêtir une importance fondamentale : « Si l’enquête ou les poursuites n’aboutissent pas, les victimes perdront à cette occasion, la possibilité de voir leurs demandes de réparation examinées par la Cour, ce qui rend particulièrement pertinente l’intervention des victimes au stade de la sélection des situations et des affaires, sur lesquelles porteront les enquêtes et les poursuites devant la Cour [20]».
- Fonds au profit de la victime
Le Fonds au profit des victimes est l’une des innovations majeures concernant les victimes introduites dans le Statut de Rome. Le Fonds a été mis en place en application de l’article 79.1 du Statut, de la règle 98 du Règlement de procédure et de preuve et de la résolution 6 de l’Assemblée des États parties, du 9 septembre 2002.[21]
Le Fonds au profit des victimes remplit deux fonctions principales : l’exécution des ordonnances de réparation adoptées par la Cour et l’utilisation discrétionnaire des « contributions volontaires » reçues afin d’assister les victimes de situations examinées par la Cour, qu’elles aient directement ou indirectement souffert de crimes poursuivis devant la Cour. Ainsi, de larges communautés de victimes de crimes internationaux peuvent prétendre à une éventuelle assistance du Fonds au profit des victimes.[22]
Le Fonds au profit des victimes se voit confier la mission de parachever le rôle joué par la Cour en matière de réparation. Il aura un rôle primordial pour organiser et mettre en œuvre les réparations accordées, et permettra aux victimes de recevoir les réparations accordées, lorsque la personne condamnée n’aura pas de moyens suffisants. Le rôle du Fonds au profit des victimes n’est pas limité aux victimes qui ont participé à la procédure ou aux victimes des crimes poursuivis dans les affaires devant la Cour. Son mandat consiste aussi à assister les « victimes de crimes de la compétence de la Cour » et leurs familles, et dans ce but il devra être en mesure de financer des projets visant à assister des communautés entières de victimes des situations examinées par la Cour. Il importe de souligner que dans ce cas, et dans ce cas seulement, le Fonds peut intervenir avant l’issue des procédures judiciaires, ce qui lui permet en particulier de fournir une assistance d’urgence[23]
Le Fonds au profit des victimes est indépendant des autres organes de la Cour. Les fonds collectés par le Fonds au profit des victimes proviennent de quatre sources principales : - le montant de la réparation mise à la charge de la personne reconnue coupable par la Cour ; - les fonds collectés au travers des amendes et confiscations ; - les contributions volontaires des États, particuliers et organisations ; - les autres ressources allouées par l’Assemblée des États parties. Le Fonds au profit des victimes a trois fonctions principales : - participer à l’exécution des ordonnances de réparation à l’encontre de la personne condamnée, comme le prévoit la règle 98.2 à 4 ; - utiliser les contributions perçues des contributions volontaires pour financer des projets en faveur des victimes et de leurs familles, tel que prévu à la règle 98.5 ; - établir et mettre en œuvre des politiques visant à collecter des fonds pour le Fonds au profit des victimes
4. CONCLUSION
La Cour Pénale Internationale prévoit une place prépondérante à la victime et à son représentant du moment qu'ils peuvent intervenir à toutes les stades de la procédure et donner avis lorsque ses intérêts sont concernés. Ainsi il pourra, lors de sa participation intervenir non seulement pour informer le procureur sur la commission des crimes mais aussi intervenir en qualité de partie au procès et demander réparation du préjudice qu'elle a subi.
Pour le bon aboutissement du procès la victime bénéficie également des mesures de protection, de soutien et assistance.
Il est donc important que les victimes des crimes commis au Burundi continuent à interagir avec les avocats et organisations de la société civile pour accéder aux informations précises en ce qui concernent leurs droits et leur rôle devant la CPI.
[1] Les tribunaux pénaux ad hoc ont un caractère temporaire et régional
[2] Voir art 126 du statut de Rome
[3] Voir art 3. 1 du statut de Rome
[4] Voir règle 100 du règlement de procédure et de preuve
[5] Fernandez, Julian., Pacreau, Xavier., Maze, Lola. et Decaux, Emmanuel., Statut de Rome de la Cour pénale internationale : commentaire article par article, Pedone, dl 2012 (ISBN 9782233006530
[6] Article 17 du statut de Rome
[7] Règle 85
[8] Règle 90
[9] Règle 22point1
[10] Règle90 Point 2
[11] Règle 90 Point3
[12] Voir cour permanente internationale de justice , affaire relatif à l'usine de Chorzow,13 Septembre1928,CPIJ,sérieA, n° 17,p.47, et disponible en ligne: http: //WWW.cij.org/cijWWW/cdecision/ccpij/serie A/A17/54Usine de Chorzow Fond_Arret.pdf
[13] https://www.fidh.org/fr/themes/justice-internationale/cour-penale-internationale-cpi/Les-droits-des-victimes-devant-la
[14] Règle 94
[15] Art75.2 du statut de Rome
[16] https://www.fidh.org/IMG/pdf/10-manuel_victimesFR_CH-VII.pdf
[17] idem
[18] . De plus la Cour n’a pas encore établi les principes relatifs aux réparations comme le requiert l’article 75.1. Ces principes pourront-ils inclure des dispositions liées aux mesures prises par les États ? En faveur de cet argument voir Bitti, G., et Gonzalez Rivas, G., « Reparations Provisions under the Rome Statute of the International Criminal Court », éditions de la Cour permanente d’arbitrage, Redressing Injustices Through Mass Claims Processes : Innovative Responses to Unique Challenges, Oxford University Press, New York, 2006, 495 p., pp. 299 – 322
[19] L’article 75.2 prévoit : « La Cour peut rendre contre une personne condamnée une ordonnance indiquant la réparation qu’il convient d’accorder aux victimes ou à leurs ayants droit. » (souligné par l’auteur).
[20] Bitti, G., et Gonzalez Rivas, G., « Reparations Provisions under the Rome Statute of the International Criminal Court », op.cit., p.313 (traduit par l’auteur).
[21] Création d’un Fonds au profit des victimes de crimes relevant de la compétence de la Cour et de leurs familles, Résolution ICC-ASP/1/Res.6, 9 septembre 2002, inclue à la fin de ce chapitre
[22] https://www.fidh.org/IMG/pdf/10-manuel_victimesFR_CH-VII.pdf
[23] idem