Justice pour tous

"Quand un homme est privé du droit de vivre la vie dont il croit, il n'a pas d'autres choix que de devenir un hors la loi."

 

Rapport du Mois d'Août 2018

 

De la protection des témoins et victimes en droit pénal

international : cas du Burundi

 

TABLE DES MATIERES 

  1. SIGLES ET ABREVIATIONS. 
  2. INTRODUCTION.. 
  3. Notion de témoin et de protection des témoins. 

2.1. Qu’est-ce qu’un témoin ?. 

2.2. Qu’est-ce que la protection des témoins ?. 

  1. Principes Généraux. 

3.1. Les organes de protection au sein de la Cour Pénale Internationale. 

3.1.1. Le Greffe. 

3.1.2. Les Chambres. 

3.1.3. Le Bureau du Procureur. 

3.1.4. Les Etats parties et les organisations internationales. 

3.2. La bénéficiaires des mesures de protection

3.2.1. Les bénéficiaires des mesures de protection selon la règle 87 du règlement. 

3.2.2. Les bénéficiaires des mesures spéciales de protection selon la règle 88 du règlement de la procédure. 

3.3. Types de mesures de protection. 

3.3.1. Types de mesures de protection selon la règle 87. 

3.3.2. Types de mesures spéciales selon la règle 88. 

3.4. Procédure de protection

3.4.1. Demande des mesures de protection selon la règle 87 du règlement. 

3.4.2. Demande de mesures spéciales de protection selon la règle 88. 

  1. Besoin urgent de protection des victimes et témoins de la crise qui secoue le Burundi depuis 2015. 
  2. Conclusion. 

 

  0.     SIGLES ET ABREVIATIONS 

BdP                : Bureau du procureur

CB-CPI          : Coalition Burundaise pour la Cour pénale internationale

DATV            : Division d'aide des témoins et victimes

CPI                 : Cour pénale internationale

UVT               : Unité d’aide aux victimes et aux témoins 

  

1.    INTRODUCTION

 La Cour Pénale internationale représente un grand espoir pour les victimes de la crise qui secoue le Burundi depuis Avril 2015, date où le président Nkurunziza a annoncé qu'il allait passer outre la Constitution et les accords d'Arusha en posant sa candidature au troisième mandat à la présidence du pays.

Les infractions graves qui ont suivi cette candidature, telles que les assassinats, les meurtres, les enlèvements, les disparitions forcées, les actes de tortures, les détentions arbitraires et les autres crimes   organisés par le régime Nkurunziza ont poussé la Cour Pénale Internationale à ouvrir une enquête sur le Burundi. L’impact de telles infractions est important et complexe, et nombre d’entre elles sont connues pour leurs sérieuses conséquences pour le développement, la sécurité et la stabilité du pays.

 Pour lutter de manière adéquate contre ces infractions particulièrement graves et complexes, une approche multiforme est nécessaire, et notamment une réponse ferme du système de justice pénale. Un système de justice pénale internationale fort est nécessaire.  Des investigations rigoureuses, des poursuites efficaces et des jugements rendus sans ingérence extérieures permettront à la Cour pénale Internationale de réussir à sa mission et l’impunité ne pourra plus prévaloir.

La nature clandestine de certaines infractions – et de nombreux autres facteurs, tels que le statut social de leurs auteurs, qui sont souvent de dangereux criminels – peut empêcher le signalement ou la détection de nombreuses activités criminelles.

Disposer de témoignages fiables est donc vital pour pouvoir présenter un dossier solide devant les cours et tribunaux internationaux. Le témoin devient d’autant plus essentiel lorsque les infractions sont commises dans le plus grand secret (par exemple, le terrorisme, les cas de viol et la corruption et les enlèvements de nuit), car les investigations peuvent se révéler particulièrement difficiles à mener

L’absence de témoignage fiable pour étayer la responsabilité des auteurs de ces infractions ne permettrait pas à la CPI de réunir suffisamment de preuves pour entamer des poursuites ou, si celles-ci auraient eu lieu, elles se concluraient par des acquittements pour manque d’éléments de preuve.

Conscient que les dépositions des témoins peuvent pousser le juge à prendre des décisions à l'encontre de l'accusé, ce dernier peut provoquer des menaces pouvant handicaper le déroulement de la procédure juridique ou même mettre en danger les témoins ou leurs proches. Il est important de noter que dans ces affaires les auteurs sont dans la plupart des cas des autorités administratives, des éléments de la police, des hauts gradés de l'armée des services de renseignement et de la milice imbonerakure soutenus et puissants.

La CB-CPI dans son rapport du mois d'Août informe les victimes et les témoins sur l'existence de leur protection au sein de la CPI et les encourage à continuer la collaboration avec la CPI pour la promotion de l'état de Droit et la lutte contre l'impunité au Burundi.   

2.    Notion de témoin et de protection des témoins.

   2.1. Qu’est-ce qu’un témoin ?

Les  Un témoin est défini comme toute personne disposant d’informations cruciales pour une procédure judiciaire, y compris pénale[1]

 D’une manière générale, il existe trois types de témoins qui peuvent avoir besoin d’une protection :

  • Les collaborateurs de la justice : ce sont des personnes, parfois déjà condamnées, qui font l’objet de poursuites pénales liées à l’infraction dont ils sont témoins et décident de coopérer avec les autorités en livrant un témoignage[2]
  • Les victimes témoins : ce sont les témoins qui sont des victimes directes de l’infraction faisant l’objet de poursuites[3].
  • D’autres types de témoins : cela comprend les experts qui témoignent en vertu de leurs connaissances spécialisées, tels que les experts légistes[4], ou encore des officiers de police ou des indicateurs, qui peuvent ou non faire l’objet de poursuites malgré leurs liens étroits avec les accusés, ou des témoins oculaires ayant vu les activités criminelles en question. 

   2.2. Qu’est-ce que la protection des témoins ?

Le terme « protection des témoins » définit une large gamme de mesures applicables à tout moment de la procédure pénale afin de protéger les témoins et, par-là, de s’assurer de leur coopération pleine et entière pour fournir un témoignage[5]

3.  Principes Généraux. 

L’article 68.1 du statut de Rome fonde l’obligation générale de la Cour de protéger et soutenir les victimes et les témoins :

« La Cour prend les mesures propres à protéger la sécurité, le bien-être physique et psychologique, la dignité et la vie privée des victimes et des témoins. Ce faisant, la Cour tient compte de tous les facteurs pertinents, notamment l’âge, le sexe (...) et l’état de santé, ainsi que la nature du crime, en particulier et sans s’y limiter, lorsque celui-ci s’accompagne de violences à caractère sexuel, de violences à caractère sexiste ou de violences contre les enfants. (…) Ces mesures ne doivent être ni préjudiciables ni contraires aux droits de la défense et aux exigences d’un procès équitable et impartial ».

La règle 86 établit, en tant que principe général, que tous les organes de la Cour, lorsqu’ils s’acquittent de leurs fonctions, doivent tenir compte des besoins des victimes et des témoins :

« Les Chambres, lorsqu’elles donnent un ordre ou une instruction, et les autres organes de la Cour, lorsqu’ils s’acquittent des fonctions qui leurs sont dévolues par le Statut et le Règlement, tiennent compte des besoins des victimes et des témoins (…), en particulier s’il s’agit d’enfants, de personnes âgées, de personnes handicapées et de victimes de violences sexuelles ou sexistes ».

 Des dispositions spécifiques établissent les obligations de chaque organe de la Cour : le Greffe, les Chambres et le Procureur. Les Etats parties et les organisations internationales assurent également un rôle essentiel dans la protection des victimes et des témoins. 

3.1. Les organes de protection au sein de la Cour Pénale Internationale.

3.1.1. Le Greffe

Au sein du Greffe, l’Unité d’aide aux victimes et aux témoins (UVT) a été créée, conformément à l’article 43.6 du statut de Rome, dans le but « de conseiller et d’aider de toute manière appropriée les témoins, les victimes qui comparaissent devant la Cour et les autres personnes auxquelles les dépositions de ces témoins peuvent faire courir un risque, ainsi que de prévoir les mesures et les dispositions à prendre pour assurer leur protection et leur sécurité».

 Les obligations de l’UVT comprennent l’établissement de programmes à court et à long terme pour leur protection[6]et une assistance dans l’obtention de soins médicaux et psychologiques[7].L’UVT a également le rôle fondamental de conseiller et de former les différents organes de la Cour sur les questions de protection[8].

Le Greffe a l’obligation d’informer les victimes de l’existence de l’UVT et des services qu’elle dispense[9].   Il a une obligation spécifique envers les victimes de violences sexuelles de prendre des mesures spécifiques pour faciliter leur participation à toutes les phases de la procédure[10].  C’est également l’organe responsable de la négociation des accords avec les Etats pour la fourniture de services de protection et de soutien sur leur territoire, y compris les accords concernant la réinstallation des témoins et des victimes[11] 

3.1.2. Les Chambres

Les Chambres assument la fonction d’ordonner les mesures nécessaires de protection et de s’assurer que ces mesures ont été mises en place par les autres organes de la Cour. L’article 57.3.c) du statut de Rome décrit l’obligation générale de la Chambre préliminaire d’assurer « la protection et le respect de la vie privée des victimes et des témoins ». Cela s’applique à toutes les procédures devant la Chambre préliminaire.[12]

 La Chambre préliminaire a le devoir de s’assurer que les mesures effectives sont en place au stade préliminaire et à celui de l’enquête.

L’article 64.2 du statut de Rome, prévoit que la Chambre de première instance a le devoir de garantir que la question de la protection des victimes et des témoins est prise en compte à tous les stades du procès : « La Chambre de première instance veille à ce que le procès soit conduit de façon équitable et avec diligence, dans le plein respect des droits de l’accusé et en ayant pleinement égard à la nécessité d’assurer la protection des victimes et des témoins ». L’article 64.6.e) du statut de Rome dispose que la Chambre de première instance, aussi bien avant que pendant un procès, « peut, si besoin est (…) assurer la protection de l’accusé, des témoins et des victimes ».

3.1.3. Le Bureau du Procureur

L’article 54.1.b) du statut de Rome requiert du Procureur, lorsqu’il mène des enquêtes et des poursuites, de respecter les « intérêts et la situation personnelle des victimes et des témoins », et fournit une liste non exhaustive des facteurs à prendre en compte incluant : l’âge, le sexe, l’état de santé, la nature du crime, en particulier lorsque celui-ci comporte des violences sexuelles, des violences à caractère sexiste ou des violences contre des enfants. L’article 68.1 du statut de Rome requiert du Procureur qu’il prenne des mesures appropriées afin de protéger les victimes et les témoins « en particulier au stade de l’enquête et des poursuites[13]». Le Bureau du Procureur (BdP) se doit de travailler en étroite collaboration avec l’UVT afin de s’assurer que les mesures nécessaires soient en place pour la protection de ceux avec qui le BdP entre en contact.

En vertu de ces dispositions, le terme « témoins » doit être interprété de manière à inclure les témoins potentiels. Ceux qui ont déposé devant le Procureur au stade de l’enquête peuvent, dans certains cas, courir un risque du simple fait d’être entré en contact avec les enquêteurs du BdP. Afin de limiter les risques encourus par les témoins potentiels, le BdP a affirmé son intention de limiter le nombre de témoins à contacter. En outre, il a été mentionné que, lorsque c’est  possible, les enquêteurs essaieront de travailler avec des témoins « en dehors des zones de conflit, soit dans un autre pays, soit dans une zone plus sécurisée » et que les entretiens seront menés « uniquement après un bilan approfondi des questions relatives à la protection et par des moyens et dans des lieux permettant de limiter les risques au minimum [14]».

3.1.4. Les Etats parties et les organisations internationales

La coopération des Etats parties est essentielle pour assurer la protection nécessaire des victimes et des témoins. Les Etats parties sont obligés de répondre aux demandes de la Cour de fournir l’aide nécessaire à la protection des victimes et des témoins.[15] Cette obligation fait partie intégrante de l’obligation générale de coopérer avec la Cour et doit, par conséquent, être intégrée en droit national.[16]

 Pour mettre en œuvre les mesures de protection, l’UVT doit coopérer, au besoin, avec les Etats, 24 ainsi qu’avec les organisations internationales compétentes telles que les organismes des Nations unies présentes sur le terrain des opérations. 

3.2. La bénéficiaires des mesures de protection

3.2.1. Les bénéficiaires des mesures de protection selon la règle 87 du règlement

La règle 87.1 du règlement de procédure et de preuve prévoit que les mesures peuvent être ordonnées afin de protéger « une victime, un témoin ou une autre personne à laquelle la déposition d’un témoin peut faire courir un risque ». Dans la règle 87, le terme « victime » est utilisé seul, sans qualificatif, contrairement à plusieurs des dispositions relatives aux fonctions de l’UVT, qui se réfèrent aux « victimes qui comparaissent devant la Cour[17]».

 La règle 87 doit être interprétée à la lumière de la définition de la victime donnée à la règle 85 du même règlement. Ainsi, toutes les victimes qui demandent à participer aux procédures, qu’elles se déplacent ou non jusqu’au siège de la Cour, et que leurs demandes de participation soient acceptées ou non, devraient par conséquent pouvoir bénéficier de mesures de protection. Il n’existe pas de définition des autres personnes auxquelles la déposition d’un témoin peut faire courir un risque et il appartiendra donc au juge de définir cette catégorie.

Elle devrait cependant être interprétée comme englobant tous ceux dont le bien-être physique et psychologique est menacé à cause de témoignages devant la CPI, y compris, mais pas limité, aux familles des témoins, personnes à charge et aux personnes mentionnées dans la déposition. Cette catégorie devrait couvrir les personnes courant un risque du fait de leur témoignage, mais qui ne sont finalement pas appelées à comparaître. Enfin elle peut aussi inclure « les personnes accompagnatrices[18]» (à savoir les personnes autorisées par le Greffe à accompagner les victimes et les témoins durant leur témoignage devant la Cour)  

3.2.2. Les bénéficiaires des mesures spéciales de protection selon la règle 88 du règlement de la procédure.

La règle 88 ne précise pas quelles personnes peuvent bénéficier des mesures spéciales. Une référence spécifique est faite aux victimes ou aux témoins traumatisés, aux enfants, aux personnes âgées et aux victimes de violences sexuelles. Toutefois, il ne s’agit pas d’une liste exhaustive. La Chambre doit s’appuyer sur le principe général prévu à la règle 86

3.3. Types de mesures de protection.

3.3.1. Types de mesures de protection selon la règle 87

La règle 87 du règlement donne une liste non exhaustive des types de mesures de protection qui peuvent être ordonnées par les Chambres, et les juges ont par conséquent une large marge d’appréciation quant à la détermination des mesures appropriées dans le contexte particulier de chaque affaire, conformément à l’obligation générale prévue à l’article 68. La Chambre devra ainsi prendre en compte les circonstances spécifiques des victimes, témoins ou autres personnes courant un risque, et déterminer les mesures adéquates en conséquence. La règle 87.3 fournit quelques exemples de mesures qui peuvent être ordonnées afin « d’empêcher que soient révélés au public, à la presse ou à des agences d’information, l’identité (...) ou le lieu où se trouve [une victime, un témoin ou une autre personne courant un risque] ». Ces mesures ne visent en aucun cas à dissimuler des informations à la défense. Les mesures de protection peuvent être ordonnées individuellement ou non. La règle 87.3 énumère les exemples de mesures de protection suivants :

 - Que le nom de la victime, du témoin ou de toute autre personne à laquelle la déposition d’un témoin peut faire courir un risque et toute autre indication qui pourrait permettre l’identification de l’intéressé soient supprimés des procès-verbaux de la Chambre rendus publics[19]. Les procès-verbaux publics comprennent les transcriptions, les ordonnances, les décisions et les jugements. Ce type de protection est une exception au principe de la communication au public de l’ensemble des moyens de preuve

 - Qu’il soit fait interdiction au Procureur, à la défense ou à toute autre personne participant à la procédure de révéler [le nom de la victime, du témoin ou de toute autre personne à laquelle la déposition d’un témoin peut faire courir un risque et toute autre indication qui pourrait permettre l’identification de l’intéressé] à un tiers[20]. Ces mesures empêchent la divulgation d’informations aux personnes qui ne sont pas directement impliquées dans l’affaire.

  - Qu’un pseudonyme soit employé.[21]

 Les pseudonymes, habituellement des lettres ou des numéros, peuvent être utilisés tout au long de la procédure et dans les documents officiels.

Les deux types de mesures suivants sont des exceptions au principe général de la publicité des audiences prévu à l’article 67.1.  Le droit, pour un accusé, à la publicité de la procédure est un principe fondamental de justice : « En rendant visible l’administration de la justice, la publicité contribue à la réalisation du but (...) d’un procès équitable, dont la garantie est l’un des principes fondamentaux de toute société démocratique [22]».

Les mesures suivantes ne seront par conséquent ordonnées que lorsque strictement nécessaire : - Que des dépositions soient recueillies par des moyens électroniques ou autres moyens spéciaux, y compris des moyens techniques permettant l’altération de l’image [23]ou de la voix, des techniques audiovisuelles, en particulier la vidéoconférence et la télévision en circuit fermé, et le recours à des moyens exclusivement acoustiques[24].

 Ces mesures sont prévues dans le but de protéger l’identité des victimes et des témoins du public et de la presse. De plus, les mesures telles que l’usage de la vidéoconférence aident à protéger d’un nouveau traumatisme en permettant aux victimes et aux témoins de donner leur témoignage en dehors de la Cour, et ce, sans voir l’accusé, et tout en restant dans leur lieu de résidence. Il existe une présomption en faveur de l’usage de telles mesures dans les cas de victimes de violences sexuelles et d’enfants témoins ou victimes[25].

Les mesures permettant que les dépositions se fassent par liaison vidéo et les témoignages préalablement enregistrés sont des exceptions au principe général qui veut que « les témoins [soient] entendus en personne lors d’une audience [26]». Les règles 67 et 68 du statut de Rome décrivent les procédures de mise en œuvre de ces mesures et prévoient des garanties spécifiques à la protection des droits de l’accusé

- Que la procédure devant [les Chambres] se déroule partiellement à huis clos[27]. L’article 64.7 prévoit qu’il y ait des « circonstances particulières » justifiant l’autorisation des audiences à huis clos. Cette mesure est exceptionnelle en raison de l’impact sur le droit de l’accusé à un procès équitable et public[28]. La décision de la Chambre doit être motivée et publique[29].L’article 68.2 prévoit qu’il existe une présomption favorable à l’utilisation de la procédure à huis clos lorsqu’il s’agit de victimes de violences sexuelles ou d’enfants qui sont victimes ou témoins. La Chambre peut en décider autrement mais doit prendre en compte toutes les circonstances et en particulier les points de vue de la victime ou du témoin. La norme 20.3 autorise la Chambre à divulguer tout ou partie du compte rendu d’une audience qui s’est tenue à huis clos, « pour autant qu’il n’y ait plus de raison motivant la non-divulgation du compte rendu. 

3.3.2. Types de mesures spéciales selon la règle 88

Les mesures spéciales selon la règle 88 du règlement ne sont pas définies, bien que quelques exemples soient donnés. Cela laisse aux Chambres une large marge d’appréciation pour déterminer les mesures appropriées de protection et d’assistance. Une référence spécifique est faite à l’égard des mesures tendant à faciliter les témoignages des victimes ou des témoins traumatisés, des enfants, des personnes âgées ou des victimes de violences sexuelles. Les mesures spéciales comprennent donc sans s’y limiter, toutes mesures conçues pour assister les témoins vulnérables et les victimes présentant des preuves devant la Cour.

 Étant donné qu’il n’existe pas de distinction entre le soutien logistique et psychologique, la règle 88 doit être interprétée comme couvrant les deux types de mesures. La règle 88.2 stipule que la Cour peut demander la présence d’un assistant, par exemple un psychologue ou un membre de la famille de l’intéressé, pendant la déposition d’un témoin. En vertu de la règle 88.5, les Chambres doivent « contrôler avec vigilance la manière dont l’interrogatoire [d’un témoin ou d’une victime] est mené pour éviter tout harcèlement et toute intimidation ».

 Les Chambres doivent prêter une attention particulière aux attaques sur les victimes de violences sexuelles. Cet article revêt toute son importance à la lumière des expériences relatives aux témoins

3.4. Procédure de protection

3.4.1. Demande des mesures de protection selon la règle 87 du règlement.

Les mesures de protection de la Règle 87 sont accordées sur requête du procureur ou de la défense, soit à la demande d'un témoin, d'une victime ou, le cas échéant, du représentant légal de celle-ci, soit d'office et après avoir consulté, selon que de besoin, la DATV.

L’Unité d’aide aux victimes et aux témoins a un rôle consultatif, à l’égard des deux types de mesures. La règle 87.1 stipule que la Chambre peut ordonner des mesures « après avoir consulté, selon que de besoin, la division d’aide aux victimes et aux témoins ». Cependant, il devrait être souligné que l’UVT peut soulever des questions devant les Chambres de sa propre initiative et ce, sans attendre d’être consultée. La règle 17.2.a.ii) autorise notamment l’UVT à conseiller la Cour sur les mesures appropriées et la norme 41 permet à l’UVT de porter à l’attention de la Chambre « toute question concernant l’application des mesures de protection ou des mesures spéciales ».

  • Consentement

Avant d’ordonner une mesure de protection ou une mesure spéciale, la Chambre cherche autant que possible à obtenir le consentement de la personne qui en fera l’objet[30].

 A cette fin, une demande qui concerne un témoin ou une victime doit être communiquée à ce témoin, à cette victime ou, le cas échéant, au représentant légal de celle-ci ainsi qu’aux autres parties, qui ont la possibilité d’y répondre[31].

  • Procédure sur demande

 En raison de l’impact potentiel sur le droit de l’accusé à un procès équitable et impartial, et conformément à l’article 68.1 du statut de Rome, les demandes de mesures de protection prévues à la règle 87 ne peuvent être soumises ex parte[32].  Cela signifie que les autres parties doivent toujours être notifiées.

 Il n’existe pas de formulaire de demande de mesures de protection. Toute demande émanant d’un témoin, d’une victime ou, le cas échéant, du représentant légal de celle-ci doit être adressée au Procureur et à la défense, qui ont la possibilité d’y répondre[33].

La règle 87.3 prévoit que les Chambres peuvent (mais ne sont pas obligées) tenir une audience à huis clos pour déterminer s’il y a lieu d’ordonner des mesures propres à empêcher que soient révélés l’identité d’une victime, d’un témoin ou d’une autre personne à laquelle la déposition d’un témoin peut faire courir un risque, ou le lieu où se trouve l’intéressé. Si la Chambre décide de tenir une telle audience, celle-ci doit être à huis clos, à savoir que la salle d’audience est fermée au public. Il parait en effet évident qu’une audience publique serait contraire à l’objectif même de telles mesures.

  • Procédure lorsque la Chambre agit d’office

Lorsque la Chambre agit d’office, elle avise, en leur donnant en même temps la possibilité d’y répondre, le Procureur et la défense, ainsi que les témoins et les victimes ou les représentants légaux de celles-ci qui feraient l’objet des mesures de protection envisagées[34]

3.4.2. Demande de mesures spéciales de protection selon la règle 88

Comme pour les mesures de protection, les mesures spéciales peuvent être demandées : - Par le Procureur ; - Par la défense ; - Par les témoins, les victimes ou leurs représentants légaux ; ou - De la propre initiative de la Chambre. L’Unité d’aide aux victimes et aux témoins a ici encore un rôle consultatif, bien qu’elle puisse de sa propre initiative saisir la Cour de certaines questions. 

  • Consentement

Comme pour les mesures de protection, les Chambres cherchent autant que possible à obtenir le consentement de la personne qui fera l’objet de mesures spéciales ou de protection, et lorsque c’est possible, avant d’ordonner une telle mesure[35].

Les requêtes qui concernent un témoin ou une victime doivent être communiquées à ce témoin, à cette victime ou, le cas échéant, au représentant légal de celle-ci ainsi qu’aux autres parties, qui ont la possibilité d’y répondre[36]. Outre la recherche du consentement des victimes ou des témoins, la règle 88.1 du règlement impose comme condition supplémentaire que la Chambre, avant de prendre une décision, tienne compte des points de vue de la victime ou du témoin destinataire de la mesure. 

  • Procédure sur demande

Contrairement à la procédure d’adoption de mesures de protection, des mesures spéciales peuvent également être demandées ex parte, c’est-à-dire sans que les autres parties à la procédure n’en soient notifiées[37].

Il n’existe pas de procédure spécifique pour soumettre des requêtes ex parte. En relation avec les demandes inter partes, la règle 88.3 stipule que les dispositions de la règle 87 sur la notification [38]s’appliquent « mutatis mutandis », c’est-à-dire dans leur totalité.

 Selon la règle 88.2, les Chambres peuvent tenir une audience pour déterminer s’il y a lieu d’ordonner une mesure spéciale. Il peut s’agir d’une audience à huis clos si nécessaire.

  • Procédure lorsque la Chambre agit d’office

 De même que pour les mesures de protection, lorsque la Chambre agit d’office, elle avise le Procureur et la défense, ainsi que les témoins, les victimes ou les représentants légaux de celles-ci, qui feraient l’objet des mesures de protection envisagées. Elle leur donne la possibilité de répondre[39].

4.    Besoin urgent de protection des victimes et témoins de la crise qui secoue le Burundi depuis 2015.

 Le pouvoir de Bujumbura ne cache pas son intention de suivre et traquer toute personne qui pourrait donner la lumière sur les crimes graves qui ont été commis au Burundi depuis Avril 2015. En effet, les organisations de défense  des  droits  humains  ont  vu  leurs  activités  suspendues  et  certaines ont été définitivement radiées. Après avoir subi menaces et attaques, les défenseurs des droits humains ont soit été contraints à l’exil, soit opèrent au Burundi dans la clandestinité et la peur.

Les autorités les prennent pour cible pour éviter qu’ils ne documentent et dénoncent les graves exactions qu’elles commettent. Il en est ainsi des assassinats des membres de la ligue des jeunes imbonerakure qui avaient participés dans des cas de meurtre, de torture, de viol des membres de l’opposition qui étaient arrêtés pendant les manifestations. L’objectif de ces assassinats est d’effacer les traces pour que ces petits exécutants ne dénoncent pas un jour les vrais auteurs ou les commanditaires.

Les médias indépendants ont été brulés, des journalistes burundais et étrangers ont été intimidés, harcelés, arrêtés, expulsés, ou empêchés d’entrer sur le territoire. D’autres ont été enlevés et assassinés.

Les avocats engagés dans des activités de défense des droits humains ou coopérant avec la Cour pénale internationale (CPI) subissent des actes de représailles. Certains ont été radiés du barreau de Bujumbura par la Cour d’appel de Bujumbura l. D’autres ont subi des tentatives d’assassinat. De fait, l’indépendance du système judiciaire a été totalement remise en cause.

Beaucoup de familles des victimes ont été contraints à s'exiler et sont éparpillées dans des pays soit limitrophes ou lointains du Burundi et sont toujours sous menace d'exécution de la part des autorités Burundaise.

De part toutes ces menaces, les victimes et les témoins de la crise qui secoue le Burundi depuis 2015 présentent un caractère urgent pour leur protection enfin de pouvoir bien collaborer avec la Cour Pénale Internationale et promouvoir l'état de droit. 

5.  Conclusion.

 En dépit de la continuité de la crise qui secoue le Burundi depuis 2015, malgré les intimidations qui sont menées à l'encontre des victimes et témoins, malgré la corruption qui caractérise le régime en place, malgré la manipulation du système judiciaire Burundais, nous encourageons les victimes et les témoins à garder courage et à collaborer avec la CPI pour l'aider à bien mener les enquêtes jusqu'à la fin des jugements. Nous les assurons également qu'une fois retenus comme témoins ou victimes, il est prévu au sein de la CPI un service de protection et de soutien de témoins et victimes.

 

[1] Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), Bonnes pratiques de protection des témoins dans les procédures pénales afférentes à la criminalité organisée, 2008, https://www.unodc.org/documents/ organized-crime/09-80620_F_ebook.pd

[2] Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation Rec (2005) 9 du Comité des Ministres aux États membres relative à la protection des témoins et des collaborateurs de justice, 2005, https://wcd.coe.int/ViewDoc. jsp?p=&Ref=Rec(2005)9&Language=lan French&Ver=original&Site=CM&BackColor Internet=C3C3C3&BackColorIntranet= EDB 021&BackColorLogged=F5D383&direct=true

[3] Victims of Violence, A victim’s guide to being a witness and testifying in court, www.victimsofviolence.on.ca/victiminformationlibrary/a-victims-guide-to-being-awitness-and-testifying-in-court/

[4] Cornell University Law School, Legal Information Institute, Expert witness, www.law.cornell.edu/wex/expert_witnes

[5] https://issafrica.s3.amazonaws.com/site/uploads/policybrief88fr.pdf

[6] Règle 17.2.a.i).

[7]  Règle 17.2.a.iii).

[8]  Règle 17.2.a.ii).

[9] Règle 16.2.a).

[10]  Règle 16.1.d)

[11] Règle 16.4.

[12] La règle 107.3 prévoit expressément que lors de la demande de réexamen d’une décision du Procureur de ne pas ouvrir d’enquête ou de ne pas engager de poursuites, telles qu’envisagées au paragraphe 3 de l’article 53, la Chambre préliminaire a une obligation spécifique de protection de « la sécurité des témoins et des victimes et des membres de leur famille »

[13] L’article 54.3.f) prévoit  que le Procureur doit « prendre, ou demander que soient prises, des mesures nécessaires pour assurer (…) la protection des personnes » pendant les enquêtes

[14] Rapport à l’Assemblée des Etats Parties sur les activités de la Cour, 16 septembre 2005, ICC-ASP/4/16, par. 52.

[15]  Article 93.1.j)

[16] Voir Amnesty International, Cour pénale internationale: Lignes directrices pour une mise en œuvre effective du Statut de Rome (AI Index: IOR 40/013/2004), Cour pénale internationale: Liste des principes à respecter en vue d’une mise en œuvre

[17]  Article 43, règles 17, 18.c), normes (RG) 92 à 95

[18] Norme (RG) 91

[19]  Règle 87.3.a

[20] Règle 87.3.b)

[21] Règle 87.3.d) ; voir aussi norme (RG) 94.a

[22] Cour européenne des droits de l’homme., Sutter c. Suisse, Séries A, n° 74, 22 février 1984, par. 26, décision citée par le TPIY dans l’affaire Tadic, IT-94-1, Décision relative à l’exception préjudicielle soulevée par le Procureur aux fins d’obtenir des mesures de protection pour les victimes et les témoins, 10 août 1995, par. 32.

[23] Voir aussi la norme (RG) 94.b).

[24] Voir aussi l’article 68.2.

[25] Article 68.2

[26] Article 69.2.

[27]  Règle 87.3.e

[28] L’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques prévoit que les audiences à huit clos ne sont permises que dans des circonstances particulières : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil. Le huis clos peut être prononcé pendant la totalité ou une partie du procès soit dans l’intérêt des bonnes mœurs, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, soit lorsque l’intérêt de la vie privée des parties en cause l’exige, soit encore dans la mesure où le tribunal l’estimera absolument nécessaire lorsqu’en raison des circonstances particulières de l’affaire la publicité nuirait aux intérêts de la justice. »

[29]  Article 64.7

[30]  Règle 87.1.

[31] Règle 87.2.c).

[32] Règle 87.2.a)

[33] Règle 87.2.b)

[34] Règle 87.2.d)

[35] Règles 87.1 et 88.1

[36]  Règles 87.2.c) et 88.3

[37] Règle 88.2

[38] Règle 87.2.b) à d)

[39] Règle 87.2.d

     

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Mission de la CB-CPI:

Réunir au niveau nationale et internationale la  documentation des crimes qui relève de la compétence de la Cour Pénale internationale et  les dénoncer auprès de celle-ci,

 

Collaborer avec le Bureau du Procureur de la Cour Pénale  Internationale dans le but de la collecte des informations pertinentes sur la commission de  ces crimes.

 

Assister juridiquement, judiciairement, psychologiquement et socialement les victimes des crimes qui relèvent de la Cour Pénale Internationale, promouvoir la connaissance et la compréhension des missions de la CPI , de ses activités de ses défis au niveau national et international.